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rances, bientôt confondues, firent place aux plus désolantes déceptions, comment une réaction terrible, succédant à d’impardonnables fautes, fit partout rentrer les choses dans un état plus violent encore que celui où elles se trouvaient avant l’explosion de ce mouvement si généreux à son début. Au lendemain de tels événemens, le découragement, au moins momentané, des publicistes italiens eût été naturel et dans une certaine mesure excusable. Chose remarquable, c’est le dernier sentiment qui paraisse dans leurs écrits. Au contraire il semble que cette nouvelle infortune de leur patrie n’ait fait que redoubler encore l’inébranlable foi qu’ils gardent en ses destinées. Tout est tombé, tout a été bouleversé, tout a été vaincu en Italie, excepté eux, excepté la confiance qu’ils avaient avant ces événemens, et qu’aujourd’hui même ils ont encore, dans la justice et dans l’avenir de leur cause. Assurément, nous le répétons, quelque opinion que l’on ait de la condition présente de la péninsule, cette invincible obstination de la classe pensante italienne à ne pas s’incliner devant les faits accomplis, tout désastreux qu’ils soient, donne à l’Europe un assez beau spectacle. Au milieu de tant d’autres et de bien tristes défauts, les Italiens n’ont pas du moins la triste vanité de tirer gloire de leurs défaites. Ils connaissent leur état, ils ont sondé leurs blessures, et s’ils sont impuissans à les guérir, du moins ils ne s’en glorifient pas. Ces sentimens forment le fond de leur âme publique ; tout ce qui pense en Italie les éprouve, et tout ce qui parle ou écrit les exprime.

Parmi les écrivains assez nombreux qui depuis les derniers événemens ont servi d’organes à ce mouvement très accusé et très remarquable de l’esprit italien, deux surtout, à des titres divers, ont fixé dans la péninsule et à notre avis méritent d’obtenir dans le reste de l’Europe l’attention des intelligences élevées. L’un est l’abbé Gioberti par la publication du dernier ouvrage que la mort lui ait permis de composer, le traité Del rinnovamento civile d’Italia ; l’autre est M. Ranalli, auteur d’un tableau des révolutions dont l’Italie a été le théâtre pendant les huit dernières années, et qui a paru récemment sous le titre de Le Istorie italiane dal 1846 al 1853.

L’abbé Gioberti est loin d’être un inconnu pour les lecteurs de la Bévue. Pendant vingt ans environ que, soit comme philosophe, soit comme publiciste, soit enfin comme homme d’état, il a figuré sur la scène des affaires, on a eu trop souvent l’occasion de l’apprécier ici pour qu’il soit utile de rappeler quelles furent les phases diverses de sa carrière jusqu’à l’époque suprême pendant laquelle il écrivit l’ouvrage qui nous amène à nous occuper encore une fois de lui. C’est à Paris, on le sait, dans un exil volontaire où deux ans plus tard il devait mourir, qu’il composa ce Rinnovamento civile d’Italia, son testa-