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vant l’histoire contemporaine de son pays, M. Ranalli a rencontré l’écueil qu’offrira toujours ce genre d’écrits ; il n’a pas tout dit, parce qu’il n’a pas tout su et qu’il ne pouvait tout savoir. On peut lui reprocher aussi, à force de se renfermer dans son sujet, de ne l’avoir pas toujours envisagé d’une vue assez large, d’avoir écrit souvent cette histoire contemporaine des états italiens comme si ces états étaient seuls au monde, comme si leur destinée pouvait se séparer de celle des autres puissances de l’Europe. Ces restrictions faites, on ne peut, nous le répétons, qu’accorder des éloges au récit lumineux et sobre, indépendant et mesuré, que, sous ce nom d’Istorie, M. Ranalli a donné des événemens qui ont agité la péninsule de 1846 à 1853. Une chose surtout dont il convient de le louer, c’est l’idée très juste qu’il a eue, par opposition à l’abbé Gioberti, de demander plutôt à l’histoire qu’au raisonnement l’explication des malheurs de son pays. Il n’est nulle part de leçons plus éloquentes pour un peuple que celles que lui donne naturellement le tableau bien présenté de ses illusions et de ses fautes. Enfin on peut dire que, jointes au Rinnovamento, les Istorie représentent d’une manière complète l’état contemporain de l’esprit public en Italie. Le Rinnovamento, œuvre d’une imagination plus ardente que réglée, exprime les tendances vives de cet esprit ; les Istorie, ouvrage d’un écrivain dont la qualité d’intelligence dominante est la mesure, en font bien connaître les aspirations modérées, et par-là peut-être les besoins les plus réels.

Nous avons pensé que ce serait une chose intéressante de rechercher, à l’aide des doctrines que ces deux ouvrages développent, quel est au juste l’état présent de l’opinion en Italie, d’exposer vers quelles voies cette opinion paraît tendre, de juger enfin du mérite actuel et du succès probable de ces tendances. Peut-être, quand on aura lu ces quelques pages, reconnaîtra-t-on que si la question italienne a cette triste renommée d’être inextricable, cela tient moins à ce qu’elle est insoluble, comme les pessimistes le disent, qu’à ce qu’elle est mal posée.


I.

Le premier sentiment que fasse éprouver le spectacle de la condition présente de l’Italie est l’étonnement de l’y voir réduite. Par quelle succession d’étranges vicissitudes a-t-il pu se faire qu’une contrée si naturellement prédestinée à devenir le siège de grands empires, et qu’une race à qui rien ne manque, ce semble, pour former une nation puissante, soient tombées dans l’état de morcellement et de dépendance où nous les voyons aujourd’hui ? Plus on y réfléchit, et moins d’abord on se l’explique. L’Italie, quels que