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aux Italiens eux-mêmes les défauts de la nature italienne. On peut en dire autant des endroits d’importance des Istorie de M. Ranalli. L’honnête et habile historien, loin de fuir ce thème délicat et douloureux de réflexions, le recherche au contraire, et souvent il le traite avec une force de langage qui s’élève à l’éloquence. Bien plus, les Istorie ne sont guère, d’un bout à l’autre, qu’un tableau accusateur des vices de l’Italie, Cette sincérité a-t-elle empêché le succès de l’ouvrage de M. Ranalli ? Pas plus que celle de l’abbé Gioberti n’avait nui à la popularité du Rinnovamento. C’est là l’indice d’un retour des écrivains italiens et de leurs lecteurs à de plus viriles habitudes d’esprit, qu’il est équitable et intéressant d’apprécier tout ce qu’il vaut. En se parlant ou en souffrant qu’on leur parle le mâle langage que tout à l’heure l’abbé Gioberti et M. Ranalli vont nous faire entendre, les Italiens ne s’honorent pas seulement eux-mêmes : ils témoignent aux étrangers que leurs mœurs intellectuelles ne sont pas aussi désespérées qu’il plaît quelquefois à un pessimisme intéressé de le dire, et ils donnent lieu de penser en outre que les vices dont ils s’accusent, tout profonds qu’ils soient, ne sont pas incurables, puisqu’ils ne consentent plus à s’aveugler sur eux. Le peuple contemporain chez qui la prétention, commune à tous les peuples, d’être le premier de l’univers est assurément le mieux fondée, puisque ce peuple est le plus libre qu’ait vu l’histoire, le peuple anglais, pratique mieux qu’aucun autre ce système de vigoureuse franchise envers lui-même. Bien loin de se cacher ses vices et les dangers qu’ils lui font courir, il les dénonce lui-même au reste des nations. Quelque chose va-t-il mal dans le coin le plus inconnu de l’empire britannique, la presse le dénonce, l’opinion s’en émeut, et si l’affaire est d’importance, à l’instant une enquête est ouverte, qui traduit en quelque sorte à la barre du monde entier le désordre qui vient d’être découvert. On sait de reste quelle garantie les Anglais trouvent dans ces mœurs au soutien et à la continuation de leur puissance. En s’engageant dans une voie pareille, les écrivains italiens n’ont donc pas à craindre de diminuer en Europe la considération de leur pays ; loin de là, ils la relèvent, et la confession publique qu’ils ont le bon esprit de faire de leurs défauts nationaux a l’excellent effet de provoquer partout une généreuse recherche des moyens de les corriger.

Mais quels sont enfin ces défauts, et à quelles causes les publicistes de ce monde qui sont assurément le mieux placés pour en connaître attribuent-ils la malheureuse condition d’une contrée si bien faite au premier abord pour former le territoire d’un empire prospère et puissant ?

La principale de ces causes, celle qui, lorsqu’on l’étudié, paraît avoir engendré toutes les autres, au témoignage commun de l’abbé