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six partis, qui tous sans doute veulent la même chose, car quel homme ne désire le bonheur de son pays ? mais qui le veulent de six manières, dont pas une ne saurait s’accorder avec l’autre. Anarchie effroyable d’entendement et de volonté devant laquelle toute espérance de voir ce beau pays se relever reste d’abord interdite ! Ce n’est rien encore pourtant ; il faut, avec l’auteur du Rinnovamento et avec celui des Istorie, descendre, si je puis ainsi dire, dans l’intérieur de ces partis pour concevoir l’obstination de leurs principes et l’acharnement de leur rivalité : cela passe toute croyance. Quelques traits empruntés aux récits des deux écrivains pourront donner une idée générale de ce chaos.

Les absolutistes, qui s’entendent à merveille sur la nature du gouvernement qui convient à la péninsule, puisque, comme leur nom l’indique, ils s’accordent à voir l’idéal de ce gouvernement dans le despotisme ; — les absolutistes cependant, ainsi que déjà l’abbé Gioberti nous l’a enseigné, se divisent en partisans du laïcisme et en partisans de l’église. « Les absolutistes ecclésiastiques, dit l’abbé Gioberti, qu’il faut laisser les peindre, ont pour chefs les jésuites. Ils voudraient restaurer purement et simplement la théocratie pontificale du moyen âge et la rendre pire encore, étouffer toute lueur et détruire toute institution de liberté, réunir dans leurs mains la puissance séculière et ecclésiastique, inféoder pour ainsi dire le laïcat et le clergé, l’état et l’église, les princes et les peuples, Rome et l’Italie, l’Europe et le monde, à la société de Jésus. Cependant, comme un si beau projet n’est pas facile à mettre à exécution tant que fleurissent et avancent les connaissances humaines…, les révérends pères, qui d’ailleurs, pour la réussite de leurs nobles desseins, ne peuvent compter sur l’appui d’aucun partisan, quel qu’il soit, du laïcisme, travaillent tant qu’ils peuvent à ramener les esprits aux ténèbres du moyen âge. Ils ont pour partisans soit tous ceux qui, par ignorance et superstition, partagent leur zèle fanatique, soit tous ceux qui par amour du gain désirent leur patronage… » Quant aux absolutistes laïcs, l’auteur du Rinnovamento fait également leur portrait : « Il leur faut à eux aussi le gouvernement absolu, tempéré tout au plus par l’octroi de quelques petites franchises communales ; mais ils sont les adversaires déclarés de la clérocratie, et ils veulent l’indépendance de l’état comme principe de toute civilisation. Leur tête et leur bras, c’est l’Autriche… » Ainsi, même sur ce triste terrain du despotisme, où pourtant l’adoption du principe semble exclure tout dissentiment, les Italiens trouvent encore moyen de renouveler au plein soleil du XIXe siècle la vieille et absurde querelle du sacerdoce et de l’empire : gibelins et guelfes d’une nouvelle et étrange espèce d’ailleurs, qui n’espèrent trouver la fin des maux de leur pa-