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bruck, où ils voudront, pourvu que la péninsule en soit délivrée. Autrichiens et Français ensemble ne peuvent-ils s’entendre sur ce sujet, il est un moyen simple de trancher le différend : c’est de transporter le pape et sa cour aux lieux qui ont servi de berceau au christianisme, à Jérusalem. Comment le successeur de Jésus-Christ pourrait-il refuser d’habiter les lieux sacrés qui ont vu vivre et mourir le Sauveur ? — Ces idées, dont le radicalisme n’a rien d’équivoque, commencèrent d’être mises en avant, il y a environ vingt-cinq ans, par la société secrète devenue depuis si fameuse sous le nom de la Jeune-Italie. Un Génois, jeune alors, en fut l’auteur et en est resté le chef ; on a nommé ce Joseph Mazzini à qui le crédule enthousiasme de ses partisans et plus encore la maladresse de ses adversaires ont fait depuis une telle célébrité. L’abbé Gioberti et M. Ranalli tracent dans leur livre des portraits de ce personnage qui méritent d’être lus ; nous nous bornerons à dire que M. Mazzini nous y paraît peint au naturel, et que, d’accord avec le sentiment que partout la conduite du fameux agitateur n’a cessé d’inspirer aux gens sensés en Europe, l’auteur du Rinnovamento et celui des Istorie voient et dénoncent nettement en lui l’un des fléaux de l’Italie : jugement dont les motifs sont trop bien établis pour qu’il y ait ici aucun intérêt à les rappeler.

En opposition aux unitaires, voyons maintenant les fédéralistes. Ce nouveau parti est beaucoup plus nombreux que l’autre, car chacun de ses membres incarne en lui ce vieil esprit guelfe dont tout Italien ne peut se défaire sans un effort violent, l’esprit de municipalité. Les fédéralistes, eux aussi, veulent assurément l’union de l’Italie, ils le disent du moins ; mais à l’opposé des unitaires, qui sacrifieraient à la réalisation de cette union jusqu’au saint-siège lui-même, ils entendent qu’elle ne s’opère qu’en respectant l’existence indépendante, nous ne disons pas de chacun des états actuels, mais même de chacune des villes de la péninsule. Qu’on ne leur parle pas d’un projet d’union qui ferait déchoir non pas seulement Turin, Milan, Florence ou Naples, mais même des villes qui ne sont plus la capitale d’aucun état, si petit qu’il soit, — Gênes, Venise ou Bologne par exemple, — au rang de ville de province. Plutôt que de sacrifier les traditions nationales de Menton même ou de Saint-Marin, ce nouveau parti renoncerait sans hésiter à toute constitution de nationalité italienne. Et qu’on ne croie pas que nous exagérons : nous ne faisons que résumer ici les dépositions que, la mort dans l’âme, l’abbé Gioberti et M. Ranalli font tous les deux sur ce sujet. Tout un chapitre, l’un des plus considérables en étendue et peut-être le meilleur par le fond et par le style du Rinnovamento, est consacré à la peinture de ces préjugés de l’esprit municipal des Italiens et des entraves qu’il n’a cessé d’apporter depuis cinq siècles à la formation