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sa pensée ? On en jugera ; mais sa remarque, quoi qu’il en soit, n’en est pas moins très judicieuse, et il est incontestable notamment que l’influence, toujours croissante depuis un siècle, de la littérature et de la philosophie françaises en Italie a mis cette nation dans une dépendance des moindres mouvemens d’opinion qui agitent la France funeste à la bonne conduite de sa politique nationale. Quelle nécessité par exemple y avait-il pour les Italiens, en l’année 1848, d’interrompre le beau et large mouvement de réformes qu’avait inauguré chez eux Pie IX deux ans plus tôt, pour se jeter, à la suite de la France, dans les aventures d’une révolution sociale ? L’abbé Gioberti, en déplorant cette abdication du génie politique italien, en la signalant comme une des causes de la triste condition de son pays, n’avance certainement rien d’excessif, et il a raison de dire, en attestant l’histoire : « À mesure que le génie propre de l’Italie est allé s’effaçant, une docilité funeste à prendre aveuglément les étrangers pour modèles s’y est insensiblement substituée. C’est là ce qui a rivé et rendu perpétuelles les chaînes de notre servitude, car il n’y a rien de plus difficile que de relever un peuple qui a perdu le ressort même de sa vie nationale… » Ce qu’il y a de judicieux dans ces remarques de l’auteur du Rinnovamento frappera tout le monde, et on n’hésitera pas, après l’avoir lu, à ranger au nombre des causes les plus actives de la décadence de son pays la propension funeste du génie italien à chercher partout, excepté en lui-même, les ressources d’une régénération dont lui seul cependant peut être l’ouvrier.

On n’hésitera pas davantage avec l’auteur des Istorie à reconnaître, dans un autre défaut clés peuples de l’Italie, une raison nouvelle, la dernière de celles qui devront ici nous arrêter, de la dépendance séculaire dont ils ne cessent de se plaindre. Ce défaut, pour employer les termes mêmes dont se sert quelque part M. Ranalli, est leur mollesse universelle,

Lorsqu’en mars 1848 Charles-Albert, à la tête de toutes les forces du Piémont, passa le Tessin, ce fut l’opinion ou, si l’on veut, l’espérance unanime de l’Occident que, saisissant cette occasion unique dans leur histoire, toutes les populations de la péninsule allaient se lever en masse, et que l’Italie allait trouver un soldat dans tout homme capable chez elle de porter un fusil. En France surtout, raisonnant d’après nos instincts militaires et d’après nos grands souvenirs historiques, nous voyions déjà Naples mettre en marche cent mille hommes, les États-Romains vingt mille, la Toscane et les duchés autant, la Lombardie, même après le recrutement autrichien, qui avait été loin de lui enlever toute sa population valide, cinquante ou soixante mille. Joint aux Piémontais, cela faisait, suivant les estimations les plus modérées, de deux cent à deux cent cinquante mille Italiens à