Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/320

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auront préparées, et de payer cher les espérances de restauration dont ils se leurrent. Nous ne disons pas cela pour porter malheur à personne, mais à titre d’avis bon à entendre par tout le monde. Tel est le devoir de l’historien qui ne se vend pas. Plus ses récits paraissent importuns, plus ils contiennent de cette essence de vie (nutrimento vitale) que le poète sacré de l’Italie se promettait de faire produire à la libre manifestation du vrai. »


C’est un noble langage, et l’école piémontaise, comme on voit, n’a pas déchu à propager ses enseignemens par la plume de M. Ranalli. La popularité de ces enseignemens néanmoins est-elle toujours la même ? M. Ranalli s’adresse-t-il à un public toujours aussi disposé à entendre la voix de la raison que l’était le public qui accueillait, il y a dix ans, avec tant de confiance les avis de M. d’Azeglio ? Il faut reconnaître et dire que non. L’école piémontaise n’a pas perdu toute influence en Italie, mais elle a certainement perdu la prééminence, et elle a cessé d’être le centre important de ralliement des libéraux italiens. Une école nouvelle s’est élevée qui lui a visiblement succédé dans la direction générale de l’opinion ; cette école cherche dans d’autres voies et demande à d’autres moyens le salut présent et la régénération future de la péninsule. Pour avoir une idée complète des tendances diverses qui sur cette grave question se disputent aujourd’hui les esprits en Italie, il faut à son tour la faire comparaître et l’entendre.

L’organe de cette nouvelle école, entre les mains de laquelle, nous le répétons, le gouvernement contemporain de l’opinion modérée en Italie paraît pour le moment être venu, a été, dans les dernières années de sa vie, ce même abbé Gioberti, qui pourtant, lui aussi, fut un des pères de l’école piémontaise. Jusqu’en 1848, l’auteur du Primato avait professé les maximes que défend encore M. Ranalli ; mais le spectacle des désastres auxquels il assista alors, les désillusions mortelles que ce spectacle lui donna, le jetèrent peu après dans un ordre différent d’idées qu’il a exposées dans son dernier ouvrage, et dans la foi desquelles il est mort. Les Italiens, avec cet esprit corrente a pigliare le nuove fogge que leur reprochait déjà avec raison un de leurs auteurs au XVe siècle, ont goûté la nouvelle doctrine que l’abbé Gioberti leur a léguée de l’exil comme son testament politique ; ils s’y sont jetés en foule, et le volume du Rinnovamento qui l’expose est devenu comme le catéchisme de tout le parti patriote et libéral contemporain de la péninsule. Il est donc d’un incontestable intérêt de bien faire connaître cette doctrine. La tâche au reste est facile. L’abbé Gioberti, avec sa diffusion ordinaire, a exposé sa pensée de manière au moins à n’y rien laisser d’équivoque ni d’obscur, et on peut, sous le fatras des répétitions et des digressions sans fin qui encombrent le Rinnovamento, retrouver et reproduire sans trop de