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solue, toutes les horreurs d’une affreuse captivité étaient là, tous les crimes et toutes les joies. » Le camp des prétoriens lut attaqué et défendu avec rage, avec un acharnement désespéré. Beaucoup moururent sur le mur du camp. Lorsqu’on brisa les portes, on vit ceux qui restaient intrépides en présence de leurs vainqueurs rendre blessure pour blessure; les mourans avaient soin, en exhalant leur dernier soupir, de tourner la face à l’ennemi.

La mort de Vitellius est racontée par Tacite, par Suétone et par Dion Cassius avec autant de détails que celle de Galba, et nous pouvons de même contempler sa fin, aussi laide que sa vie. On éprouve quelque compassion pour Galba, bien qu’il fût avare et cruel, parce qu’il y avait du moins en lui quelque étincelle de l’ancienne énergie romaine; mais il est impossible de s’attendrir beaucoup sur ce glouton féroce et bas, qui montra dans le malheur la plus vile pusillanimité. Le lieu de la scène est à peu près le même. Vitellius est au palais ; de ce palais quelques jours auparavant, il avait vu, en dînant, brûler le Capitole; il s’en échappe pour gagner, à travers le cirque, l’Aventin, où se trouvait la maison de sa femme, espérant de là se rendre à Terracine et y rejoindre son frère, qui y tenait avec quelques cohortes. Il n’avait auprès de lui qu’un boulanger et un cuisinier, deux personnages importans pour Vitellius, et dont il ne voulait pas se séparer. Puis, sur un bruit qu’il serait épargné, il se laisse reporter au palais, qu’il trouve vide. Ses deux compagnons de fuite l’abandonnent. Il met autour de son corps une ceinture remplie de pièces d’or, et va se réfugier où? Tacite se borne à dire dans une honteuse cachette; selon Suétone, dans la loge du portier. Il s’y barricada avec un matelas, après avoir attaché le chien devant la porte. Si l’on en croit Dion Cassius, Vitellius s’était caché dans un chenil, d’où on vint l’arracher vêtu d’une méchante saie et tout déchiré par les morsures des chiens. Nul ne le reconnaissait, et on lui demandait où était l’empereur; lui cherchait par ses réponses à prolonger l’erreur des soldats. Reconnu enfin, il demanda qu’on épargnât sa vie, qu’on le gardât prisonnier, disant qu’il avait à faire des révélations qui intéressaient le salut de Vespasien. Ses bourreaux ne l’écoutent pas, ils déchirent ses vêtemens, lui attachent les mains derrière le dos, lui mettent une corde au cou, le traînent le long de la voie Sacrée et à travers le Forum. Beaucoup l’insultent, et personne ne le plaint. L’abjection de sa mort étouffait la pitié, selon la dure parole de Tacite. Pour moi, la pitié, que je croyais ne pouvoir éprouver pour Vitellius, me prend quand je le vois devenir le jouet de cette lâche cruauté de la populace, qui s’acharne également sur sa proie, qu’elle soit innocente ou criminelle, cruauté dont quelques détails rappellent dans le supplice d’un monstre le