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tudes des Romains quand il parvint à l’empire, car cette figure de Titus rappelle assez Néron, Néron jeune et en laid. Je ne puis m’empêcher de croire que l’exagération du mérite de Titus, exagération dont j’ai cherché à expliquer les causes, a produit sur ses historiens une illusion qui s’est étendue même à sa personne, et que dans l’enthousiasme excessif qu’il inspirait, on en est venu à le croire plus beau qu’il n’était parce qu’on le disait meilleur.

La réaction des Flaviens contre la mémoire de Néron a atteint sous Titus son apogée. Il est un monument à Rome qui montre aux yeux cette réaction trop peu remarquée par l’histoire, et la fait pour ainsi dire toucher au doigt : ce sont les thermes construits par Titus sur une partie de la Maison-Dorée de Néron. Rien n’est plus clair que la relation historique des deux monumens; on reconnaît parfaitement la disposition de l’un et de l’autre. On se promène dans plusieurs des salles du palais de Néron, qui ont été déblayées; on voit les autres encore encombrées, comme elles l’avaient toutes été pour porter les thermes de Titus, dont on découvre au-dessus les débris. Ces salles de la Maison-Dorée conservent les marques d’une grande magnificence. Les unes étaient tournées vers le midi pour l’hiver, les autres vers le nord pour l’été. Un grand corridor était décoré d’élégantes peintures, qui ne sont pas entièrement effacées. On reconnaît l’emplacement d’un petit jardin intérieur, et au milieu un bassin, au centre duquel était la gigantesque coupe de porphyre qui orne la salle ronde au Vatican. Cette coupe a plus de quarante pieds de circonférence et surpasse tout ce que l’antiquité nous a laissé de plus précieux en ce genre. Çà et là sont des niches préparées pour des statues dont les piédestaux sont debout. Le Laocoon, qui a été trouvé dans une vigne du voisinage, était un des ornemens de cette partie de la Maison-Dorée, de ce casino de l’immense et splendide villa de Néron.

L’intention qui, a fait bâtir par Titus ses thermes au-dessus de ces appartemens magnifiques qu’il a comblés, comme Vespasien avait comblé le bassin de Néron pour y bâtir le Colisée, cette intention est évidente. Les Flaviens veulent étouffer enfin la popularité de Néron, encore caressée par Vitellius, le dernier des empereurs qui les ont précédés; ils veulent se débarrasser de la concurrence d’un souvenir et d’un fantôme, abolir ce souvenir autant que possible, enfouir sous les décombres ce fantôme qui hante le palais construit par Néron, en faisant servir ce palais de fondement à leurs propres édifices.

Suétone nous apprend que la construction des thermes de Titus fut très promptement achevée. On avait hâte d’en finir avec la mémoire de Néron, et l’empressement était si grand que l’on ne prit pas la peine et qu’on ne se donna pas le temps de retirer des salles que l’on allait