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existe au point de vue des fonctions publiques entre l’organisation sociale de la Grande-Bretagne et la nôtre par exemple, c’est que les emplois du gouvernement, très largement rétribués chez l’une, l’ont été très mesquinement chez l’autre, jusqu’au jour où une main puissante y a relevé le principe de l’autorité à l’agonie? Qui veut donc dresser un bilan exact des élémens de prospérité et de force de la nation anglaise doit tenir un grand compte de ce budget de l’Inde, qui fournit à plus de 12,000 Anglais une existence honorable. On peut même, sans exagérer l’influence conservatrice de ce magnifique subside que l’Asie paie à l’Angleterre, avancer que, faute des revenus de l’Inde, la constitution britannique n’eut pas sans doute résisté victorieusement à la double épreuve de 1793 et de 1848. C’est là une grande dette de reconnaissance que l’Angleterre a contractée envers l’Inde, et qu’elle doit acquitter en pourvoyant d’une main libérale, avec un zèle intelligent, à l’amélioration du sort des populations natives.

Jusqu’à ces dernières années toutefois, si quelque événement imprévu et terrible avait mis fin à la domination anglaise dans l’Inde, elle eût laissé derrière elle bien peu d’empreintes sur le sol, et le voyageur des siècles futurs, qui eût rencontré à chaque pas les splendides ruines qui témoigneront longtemps encore de la puissance des empereurs mogols, eût à peine trouvé dans quelque fort démantelé un fusil à piston ou un canon Paixhans, souvenir de ces Européens auxquels le dieu des batailles avait octroyé l’empire de l’Inde. A vrai dire, des guerres continues, un déficit constant dans le trésor, justifiaient jusqu’à un certain point cette apathie. Nous constaterons avec empressement que l’expérience a ouvert les yeux au gouvernement de l’Inde sur ses véritables intérêts, et qu’il s’applique aujourd’hui avec un zèle louable non pas à l’érection de monumens stériles, comme les splendides palais et mausolées du nord de l’Inde, mais à des travaux d’irrigation, de routes, de chemins de fer, qui doivent préparer à ce pays un avenir de prospérité dont nul ne saurait fixer les limites.

Les travaux d’irrigation, par leur importance financière, par le bien-être qu’ils répandront autour d’eux, tiennent la première place dans cette série d’entreprises utiles qui signaleront glorieusement, quoi qu’il arrive, le passage de la race européenne dans l’Inde. En effet, dans cette partie du domaine indien qui s’étend au pied de l’Himalaya entre le 70e et le 78e degré de longitude, le 24e et le 34e degré de latitude, le sol sablonneux est dénué de moyens d’irrigation naturelle; chaque année, la récolte est mise en question, et avec elle le sort de milliers d’individus. Aussi ne faut-il pas fouiller bien en arrière dans les annales de ces contrées pour arriver à des années de désastreuse mémoire, telles que les années 1837-38, ou