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Suisse consent désormais à mettre en liberté les prisonniers royalistes ; elle se borne, dans un intérêt de sûreté générale, à les éloigner de Neuchâtel temporairement. La France de son côté promet ses bons offices pour obtenir d’abord du roi de Prusse qu’il cesse ses armemens, et pour travailler ensuite à une solution définitive, basée sur la reconnaissance de la situation actuelle de Neuchâtel. C’est là ce qui a été soumis aujourd’hui même à l’assemblée fédérale à Berne et immédiatement sanctionné, de sorte que la question entre par le fait dans une phase nouvelle à partir de ce moment. On ne saurait cependant s’y méprendre : l’acte de la France dans ces conjonctures n’est point une médiation véritable. La Prusse est restée jusqu’ici étrangère à toutes ces négociations. Sans doute, si le gouvernement français agit comme il le fait, c’est qu’il n’ignore pas les dispositions du roi Frédéric-Guillaume ; mais il n’a pu évidemment rien promettre en son nom. Il n’y a point non plus une obligation prise par la France vis-à-vis de la Suisse, ce qui constituerait le cabinet de Paris dans une attitude d’hostilité à l’égard de la Prusse ; il y a seulement l’intention ferme et décidée d’arriver à une solution équitable et propre à concilier tous les intérêts en prenant toujours pour point de départ l’indépendance de Neuchâtel. Cette intention a été communiquée à la Suisse par voie de note diplomatique. Les journaux de Londres assurent que l’Angleterre dans cette circonstance a sauvé la Suisse. Il serait plus vrai de dire qu’après avoir différé d’opinion et avoir encouragé peut-être le conseil fédéral dans la résistance, l’Angleterre s’est rapprochée de la France, de telle façon que les deux puissances agissent aujourd’hui en commun à Berne comme à Berlin. Maintenant, la question la plus délicate une fois résolue par la libération des prisonniers royalistes et cette condition première réalisée, peut-on croire que la Prusse élève des difficultés sérieuses au sujet de Neuchâtel dans les négociations qui s’ouvriront nécessairement ? La Prusse, on n’en peut douter, a fait dans sa pensée le sacrifice de ses anciennes prérogatives de souveraineté. Elle n’ignore pas que dans le canton même de Neuchâtel ses droits sont considérés comme abrogés. Il a pu y avoir quelques royalistes sincères et ardens qui, à un jour donné, et obéissant à un dernier mot d’ordre, ont fait un suprême effort pour le roi Frédéric-Guillaume ; mais la masse des populations, les royalistes modérés eux-mêmes, acceptent la situation actuelle, qui, à leurs yeux, a un caractère définitif. Il ne s’agit donc plus pour la Prusse que d’abdiquer avec honneur des droits frappés de désuétude. Comment arrivera-t-on au règlement de cette question ? Sera-t-elle déférée à une conférence nouvelle ? des négociations directes seront-elles suivies entre les cabinets ? Pour le moment, les armes tombent des mains prêtes à combattre, les menaces de guerre ou de conflit s’évanouissent encore de ce côté, et c’est à la diplomatie seule aujourd’hui de prononcer, de rectifier l’œuvre artificielle et arbitraire du congrès de Vienne, qui a laissé dans la situation de l’Europe bien d’autres germes de malaise et de lutte.

Ce sont là, on peut le dire, les questions actuelles les plus saillantes : elles mettent en jeu les intérêts généraux de l’Europe, et restent l’objet des délibérations des cabinets ; mais la politique ne se résume pas seulement dans ces questions et dans ces faits d’un ordre général. Elle varie suivant les pays et prend toutes les formes, elle est dans les incidens qui surgissent, dans les