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l’ont fait naître. C’est nous qui l’avons recherchée, et nous avons bien réfléchi avant de la conclure ; si nous avions à la refaire, nous ne voudrions pas la stipuler autrement qu’elle ne l’a été ; elle nous mènera à la paix générale et servira plus tard à la consolider. »

Deux jours plus tard, il disait encore : « Pendant que vous acquériez des succès dans le Midi, la Russie faisait des pas de géant dans le Nord, et arrivait à son but par les formes les plus insinuantes. Elle a acquis infiniment plus de territoires que la France, et elle a su si bien déguiser son ambition, que les peuples, loin de la haïr, ont l’air de lui savoir gré de ses empiétemens ; de là notre alliance avec vous. Certes la France nous a fait bien du mal, mais il est de notre intérêt d’oublier le passé ; nous voulons lui être utiles en ce moment, parce que, dans un autre temps, elle pourra nous rendre le même service. Pesez donc ce fait, et considérez comme une vérité incontestable que nous ne cherchons que votre bien, que nous ne redoutons plus la France, mais la Russie, dont vous-mêmes, par vos concessions successives, avez étendu la puissance. »

Cependant, au milieu de ces témoignages si vifs de confiance cordiale, M. de Metternich n’était plus précisément le même homme qu’avant la défection du général York. Il commençait à écarter les voiles dont il avait jusqu’alors enveloppé ses pensées ; son argumentation était plus ferme, sa parole plus incisive, ses conclusions plus tranchées. Il était visible qu’il se sentait enhardi par ce qui se passait dans le nord de l’Allemagne. Pour la première fois, il osait attaquer les bases mêmes sur lesquelles reposait toute notre politique extérieure ; il énonçait des idées aussi neuves que hardies qui semblaient n’être encore que des vœux, mais qui étaient bien près de devenir des exigences. « Il est impossible, disait-il au comte Otto[1], que le grand-duché de Varsovie continue de subsister. Objet des espérances les plus folles et des craintes les plus réelles, c’est un pays qui ne se soutient que par le sentiment qui le porte à s’épuiser pour fomenter l’insurrection parmi les sujets des puissances voisines. » Il ajoutait que la paix avec la Russie serait impossible aussi longtemps que nous persisterions à maintenir l’existence du grand-duché. « Il n’est pas admissible, disait-il, que vous vouliez faire de trop grands sacrifices pour élever une barrière qui n’en sera pas une aussi longtemps que nous ne nous en mêlerons pas. Pourquoi voulez-vous prendre un rôle qui appartient plutôt à la Prusse et à l’Autriche qu’à vous ? Si la Russie devient trop formidable, l’Autriche et la Prusse se trouveront les premières en ligne, et alors vous viendrez à notre secours. »

« De toutes les combinaisons, ajoutait le ministre autrichien, la

  1. Dépôt du ministère des affaires étrangères.