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plus désirable, c’est que le grand-duché de Varsovie soit donné à la Prusse. La Prusse ne peut pas rester dans ses conditions actuelles, et c’est une vaine prétention de votre part d’imaginer que ce royaume et le grand-duché, constitués comme ils le sont, seront des barrières efficaces contre les entreprises de la Russie, tandis que la Prusse, agrandie de tout le territoire du grand-duché, serait assez forte pour opposer, de concert avec l’Autriche, un obstacle infranchissable aux envahissemens du Nord. »

Il n’était que trop vrai, le rétablissement de la Pologne sur ses anciennes bases était une entreprise colossale que toute la puissance de Napoléon n’était plus en état d’accomplir. C’en était fait du grand-duché de Varsovie : il allait disparaître sous les ruines de l’expédition de Russie ; déjà, dans la pensée de Napoléon, le sacrifice était consommé. La question n’était plus que de savoir la destination qui serait donnée à ce territoire. L’important pour l’Allemagne était d’empêcher qu’il ne tombât sous la domination russe. L’appréhension à cet égard était très vive à Vienne. La guerre allait recommencer, plus terrible que jamais ; quelle en serait l’issue ? Que ce fût la France ou la Russie, l’Autriche craignait de trouver dans le vainqueur un maître ; toute sa peur était de n’échapper à l’action de Napoléon que pour tomber sous celle du tsar, ce qui arriverait infailliblement, si la Russie poussait ses limites jusqu’à la Saxe. M. de Metternich était donc sincère lorsqu’il manifestait ses anxiétés. Malheureusement l’Autriche n’avait pas su mettre ses actes d’accord avec ses pensées, ni montrer autant de courage que de bon sens. Elle n’avait qu’une seule manière de prendre sur l’esprit de Napoléon un ascendant réel, c’était de gagner sa confiance en méritant son estime. Quelle autorité n’aurait-elle pas acquise sur cette âme véhémente, mais grande, si, en même temps qu’elle demandait que le territoire du duché de Varsovie fût réuni à la Prusse, elle avait hardiment arrêté les colonnes du tsar sur la Vistule ! Elle voit le danger, elle nous le signale épouvantée : elle a un moyen certain de le tenir à distance, c’est de marcher résolument sur lui et de le combattre ; mais elle n’ose, et, par cette défaillance, elle livre la Prusse, l’Allemagne elle-même à la merci de la puissance russe.

Au moment où cette puissance donnait passage aux Russes, elle entreprenait chez elle des arméniens considérables ; ses arsenaux étaient jour et nuit en travail. Non contente d’appeler sous les armes toutes ses réserves, elle envoyait partout des recruteurs pour stimuler l’ardeur guerrière des jeunes gens, et, comme les engagemens volontaires ne suffisaient pas, elle y suppléait par une véritable presse : on enlevait les hommes la nuit, on les traquait jusque dans leur lit, et on les incorporait de force dans les cadres. Un décret récent de l’empereur François venait de mobiliser 100,000 hommes.