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En effet, toute l’ambition de M. de Metternich était d’imaginer un plan de pacification continentale combiné avec tant d’art, qu’il pût tout à la fois satisfaire certaines exigences de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse, et néanmoins ménager assez les intérêts de la France pour qu’elle pût sans déshonneur les accepter. La perspective d’une guerre nouvelle et à outrance avec un ennemi aussi redoutable que l’empereur Napoléon se présentait à l’esprit de ce ministre comme un parti périlleux et extrême. Homme d’expédiens plus que de résolution, et qui n’entendait rien livrer au hasard, il considérait que, s’il réussissait à faire restituer à son pays d’un trait de plume, sans brûler une amorce, toutes les provinces perdues en 1809, ce serait là de sa part un acte de suprême habileté, et pour l’Autriche un succès considérable. Mais l’œuvre entreprise par M. de Metternich était d’une difficulté infinie, insurmontable peut-être. Les alliés étaient livrés à toutes les illusions et à toutes les fureurs de l’ambition et du fanatisme. Les conseils d’une politique modérée et contenue n’étaient plus écoutés. La haine du peuple prussien contre nous, exploitée par l’ambition moscovite, présidait seule aux décisions de l’empereur Alexandre et du roi Frédéric-Guillaume. Comment, au milieu de ces désirs effrénés de vengeance et d’agrandissement, faire prévaloir des conditions de pacification d’un caractère assez modéré pour qu’elles pussent être présentées à une puissance qui était encore en ce moment maîtresse de la moitié de l’Allemagne et qui était victorieuse ? Quelque épineuse que fût une semblable tâche, le cabinet de Vienne osa l’entreprendre, et il l’entreprit avec la résolution très arrêtée, dans le cas où il se mettrait d’accord avec les alliés et où l’empereur Napoléon rejetterait ses propositions, de s’unir à la Russie et à la Prusse et de nous faire la guerre. Prudent toutefois et temporisateur même dans son audace, M. de Metternich attendit, pour arrêter ces bases, les résultats des premiers chocs. La victoire, si disputée et si peu décisive, remportée par nos armes à Lutzen ne modifia point les résolutions prises. « La conduite d’une grande puissance, dit fièrement M. de Metternich, doit être invariable, et il ne faut pas faire aujourd’hui comme M. d’Haugwitz en 1805, ni tourner avec la fortune. » Si la bataille de Lutzen avait été une bataille d’Austerlitz, M. de Metternich eût tenu un langage moins superbe. Le 8 mai, il communiqua officieusement les bases suivantes de pacification au comte de Narbonne et chargea le comte de Stadion d’en donner connaissance aux souverains alliés. Voici ces bases :

Dissolution de la confédération du Rhin ;

Restitution à l’Autriche des provinces illyriennes ;

Renonciation de la part de la France aux villes anséatiques ;