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nationales qui remplissaient le cœur des chefs comme des soldats, ils s’avouaient vaincus, et venaient en supplians conjurer l’Autriche de les sauver en réunissant ses armes aux leurs.

En définitive, le sort de nos ennemis ; et, il faut bien le reconnaître, le nôtre également, allaient dépendre des décisions que prendrait l’Autriche. La question pour nous se posait dans des termes fort simples. Dans le cas où nous refuserions de négocier un armistice et de reconnaître la médiation, à quel parti s’arrêterait cette puissance ? se déclarerait-elle immédiatement en faveur des alliés, ou nous laisserait-elle les poursuivre et les accabler ? L’Autriche n’a dit son secret à personne, et l’on ne peut donner que des appréciations conjecturales. Il y a deux faits qui sont acquis à l’histoire : le premier, c’est qu’au moment où s’était livrée la bataille de Bautzen, l’Autriche n’avait pas encore arrêté définitivement avec les alliés les conditions de la pacification continentale ; cette formalité ne fut accomplie que cinq semaines plus tard, le 27 juin, par un traité qui fut signé à Reichenbach. Le second, c’est que l’Autriche n’avait point achevé alors ses préparatifs : ses corps étaient loin d’avoir atteint leur effectif complet de guerre, et l’armée, prise dans son ensemble, avait besoin de quelques mois encore pour acquérir toute l’unité et toute la solidité désirables.

À ne juger que ces faits, il semble qu’il ne pouvait rester de doute sur le parti que nous avions à prendre, qu’il fallait pousser les alliés l’épée dans les reins et ne nous arrêter que sur le Niémen ; mais d’autres circonstances très significatives méritaient également d’être prises en sérieuse considération. Depuis cinq mois, l’Autriche tendait outre mesure tous les ressorts de sa puissance militaire : elle avait rappelé tous les vieux soldats de 1809, auxquels était venue se joindre une jeunesse impatiente de concourir avec ses frères d’armes du nord à la délivrance de l’Allemagne. Elle avait une artillerie nombreuse, une cavalerie magnifique, des cadres d’officiers et des généraux qui avaient fait presque tous la grande guerre, enfin 100,000 hommes parfaitement armés, équipés, et tout prêts à déboucher de la Bohême. Nous, de notre côté, nous avions fait à Lutzen et à Bautzen des pertes énormes, et il nous fallait absolument plusieurs semaines pour combler les vides que les combats, les marches forcées et les maladies avaient opérés dans nos rangs. Des 180,000 hommes avec lesquels nous avions fait la première campagne de Saxe, il nous en restait à peine 120,000 valides. L’artillerie avait extrêmement souffert, et nous n’avions point de cavalerie. Dans un tel état de choses, était-il admissible qu’après avoir attiré les alliés sur ses frontières, qui pouvaient devenir pour eux un tombeau si elles ne s’abaissaient pour leur ouvrir un refuge,