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l’Autriche, sans retour. L’intimidation vis-à-vis de cette puissance n’était plus de saison, et c’était un mauvais moyen de nous la ramener que de témoigner peu de cas de ses avis et de son attitude. Depuis longtemps, elle avait compté les innombrables soldats de ses futurs alliés. Elle n’avait plus peur.

Les plénipotentiaires russe et prussien se montrèrent très irrités du retard apporté à l’envoi du duc de Vicence. Ils dirent que l’armistice ne profitait qu’à la France, que Napoléon ne voulait point la paix, et qu’en ajournant indéfiniment l’ouverture du congrès, il se jouait : des souverains alliés et de l’empereur d’Autriche. M. de Metternich témoignait la plus vive affliction. Un jour, plus ému que de coutume, il dit à M. de Narbonne que, passé le 10 août, il n’y aurait aucun moyen humain de faire prolonger l’armistice. « Eh quoi ! répliqua M. de Narbonne, pas même si l’on était sur le point de s’entendre ? — Dans le cas, reprit le ministre autrichien, mais dans le cas seulement où les bases de pacification seraient irrévocablement posées et acceptées, j’espère que la paix ne serait pas impossible. » Napoléon fut très blessé de ce langage. « L’empereur ne veut point être brusqué, écrivit le duc de Bassano à M. de Narbonne le 23 juillet ; il veut la paix, mais il n’entend pas qu’on la lui dicte. Si l’Autriche prend un parti décisif, ce sera une nouvelle scène à laquelle il faudra bien se résigner. L’empereur estime l’empereur François ; mais ce serait méconnaître votre rôle et altérer votre attitude que de laisser convertir le souverain, dont vous tenez les pouvoirs en courtisan de l’empereur d’Autriche. »

À Vienne et dans tout l’empire, l’exaltation guerrière était à son comble. On demandait la guerre comme une réhabilitation ; on repoussait la paix comme une honte. Le prince de Schwarzenberg, désigné pour remplir les fonctions de généralissime, s’était fait comme l’interprète des passions nationales, et il n’était occupé qu’à faire oublier par l’ardeur de son zèle ses longues hésitations. Devenu, par position plus que par conviction, l’adversaire passager de M. de Metternich, il blâmait la prolongation de l’armistice, dénonçait la mauvaise foi de Napoléon et la faiblesse du premier ministre. « Triste jouet de sa vanité, disait-il, M. de Metternich ne sait rien faire à propos, et perd tout par sa funeste temporisation. » Il alla jusqu’à déclarer que si l’armistice était prolongé au-delà du 10 août, il déposerait son commandement.

Après d’interminables débats, les commissaires russe et prussien signèrent enfin à Newmarck, le 27, la convention militaire qui fixait au 10 août le terme de l’armistice, et qui réglait le mode d’approvisionnement des places de guerre. Il ne restait plus que quatorze jours pour mener à bien l’œuvre la plus délicate qui fut jamais.

Le duc de Vicence partit ce même jour 27 pour Prague. Les instructions