Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/566

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’empereur son maître allait trop franchement dans cette affaire pour marcher avec nous, et qu’il croyait avoir ménagé les intérêts de son gendre plus que ceux des autres souverains. Il dit que la Prusse était à peu près sacrifiée, « et pourtant, ajouta-t-il, la reconstruction de la monarchie prussienne sur de larges bases intéresse la France autant que l’Autriche. »

M. de Caulaincourt envoya sans perdre un moment à l’empereur Napoléon l’ultimatum de la puissance médiatrice, et, dans un langage admirable, il le conjura de l’accepter. « Votre majesté, lui dit-il, verra dans l’ultimatum de l’empereur d’Autriche quelques sacrifices d’amour-propre ; mais la France n’en fera pas de réels : on n’en demande donc pas à votre véritable gloire. De grâce, sire, mettez dans la balance de la paix toutes les chances de la guerre. Voyez l’irritation des esprits, l’état dans lequel sera l’Allemagne dès que l’Autriche se déclarera, la lassitude de la France, son noble dévouement et ses sacrifices après les désastres de Russie ; écoutez tous les vœux que l’on fait dans cette France pour la paix, ceux de vos fidèles serviteurs, des vrais Français, qui, comme moi, doivent vous dire qu’il faut calmer la fièvre européenne, dénouer cette coalition par la paix, et, quels que soient vos projets, attendre de l’avenir ce que les plus grands succès ne vous donneraient pas aujourd’hui. Une telle paix, faite après avoir rétabli l’honneur de nos armées dans plusieurs batailles, ne peut être qu’honorable. Après tant de temps perdu, les heures sont maintenant comptées : le rappeler à votre majesté est un des motifs de cette lettre. Trop de passions veulent la guerre pour que la modération accorde le moindre délai à la paix. Je le répète, parce que j’en ai la conviction : puisse votre majesté s’y déterminer et croire qu’en lui parlant comme je le fais, je tiens moins à l’honneur de la signer qu’au bonheur de mon pays et à celui que trouvera votre majesté dans la certitude qu’elle aura fait une chose d’une sage politique et digne de son grand caractère ! »

Ce même jour 8 août, M. de Caulaincourt écrivit au duc de Bassano : « Je vois tant de passions en jeu si la guerre se fait, et tant de puissance réelle et d’avantages certains si l’empereur commande la paix, que quant à moi je n’hésiterais pas. Tout le monde a la fièvre et ne vit que par la fièvre. En la laissant se calmer, tout le monde s’endormira, pansera ses plaies, paiera ou ne paiera pas ses dettes, et la France, forte de sa propre puissance, de celle de l’Italie, d’une partie de l’Allemagne et même de l’Espagne, dont elle terminera les affaires, sera bien plus puissante qu’elle ne l’est aujourd’hui. Si je rêve, monsieur le duc, c’est en homme de bien : oubliez donc ces rêves. » Dans une seconde lettre datée du 9, également adressée au duc de Bassano, le duc de Vicence lui dit encore :