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« Les questions de paix et de guerre sont bien plus fortement posées ici que l’empereur n’a l’air de le croire. Ceci est très sérieux : je le répète aujourd’hui comme je l’ai dit le premier jour, si l’empereur veut la paix, il faut toute la confiance que sa majesté a en vous, et qu’elle n’a peut-être pas en moi, pour qu’elle donne une latitude suffisante ; on cédera peu si l’on cède, et il ne faut pas s’y prendre à deux fois, car on n’aurait pas le temps. »

Les conditions proposées par l’Autriche n’étaient point nouvelles, l’empereur les connaissait depuis longtemps : c’étaient les mêmes que M. de Metternich avait communiquées le 8 mai à M. de Narbonne. Alors on les avait présentées comme un maximum d’exigences, comme de simples bases, à ce titre discutables et de nature à être modifiées et adoucies. Aujourd’hui on les imposait sous la forme dure et humiliante d’un ultimatum. Napoléon avait attendu d’autres résultats de l’ouverture faite le 5 août ; il était autorisé à espérer que l’empereur François, touché de sa confiance et de son abandon ménagerait davantage sa dignité, et lui tiendrait compte de tout le sang versé à Bautzen. Aussi l’ultimatum du 8 août le remplit d’une amère douleur. Assurément, si l’on compare ces conditions aux cruels sacrifices que l’Europe victorieuse et implacable nous a imposés en 1814, on les trouvera modérées. Elles n’attaquaient aucun des élémens essentiels de notre puissance territoriale ; elles nous laissaient en possession de toutes nos conquêtes sur la rive gauche du Rhin et au-delà des Alpes, et ne touchaient à aucun des établissemens que nous avions fondés en Italie ; elles maintenaient également dans son intégrité le royaume de Westphalie ; enfin elles nous conservaient dans la Hollande un gage précieux de restitution à l’égard des territoires, dont l’Angleterre s’était emparée dans le cours de la guerre. Ce qu’on pouvait reprocher à ces conditions, ce n’était donc point de manquer de modération : c’était bien plutôt de ne présenter aucune garantie sérieuse de sincérité dans l’exécution. Tout y était obscure, incomplet et provisoire. L’ultimatum établissait le principe de la reconstitution de la monarchie prussienne, sans indiquer avec quels élémens il serait possible de l’opérer. Il ne s’expliquait pas davantage sur la mesure proportionnelle d’après laquelle s’opérerait le partage du grand-duché de Varsovie. Personne n’ignorait cependant que la Russie méditait de pousser ses limites aussi loin que possible, peut-être jusqu’à la Wartha, en tout cas certainement jusqu’à la Vistule, et que la Prusse alarmée demandait à être indemnisée avec les territoires qui composaient le royaume de Saxe. Était-ce une paix sérieuse que celle qui réservait des questions d’une telle gravité ? L’observation échappée à M. de Metternich était parfaitement juste : la Prusse, dans le plan proposé, était sacrifiée. Or elle avait