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la paix et entraînent l’Autriche, la mauvaise foi des trois puissances sera mise au grand jour. La France apprendra de la bouche de son empereur que, pour rendre la paix au monde, il a fait tous les sacrifices, même celui de sa dignité, puisque, étant vainqueur, il a cédé aux vaincus. Elle saura que désormais il ne lui reste plus qu’à combattre à outrance, jusqu’au dernier homme, pour sauver l’intégrité de son territoire et son indépendance.

Malheureusement la dextérité fine et souple qui sait se contenir et s’arrêter à temps n’était point une qualité de l’esprit de Napoléon, et il avait toutes les forces de l’âme hors une seule, celle de savoir s’humilier sous l’inflexible nécessité. En cette circonstance, il était résigné à traiter sur les bases proposées par l’Autriche, mais il ne voulait céder que sous une forme qui sauvât complètement sa dignité. S’il était condamné à subir les conditions de l’ultimatum, il entendait que ce ne fût qu’après les avoir discutées et avoir tenté un effort sérieux pour qu’elles fussent adoucies. Que dirait la France, que dirait le monde, s’ils voyaient le vainqueur de Lutzen et de Bautzen, à la tête de 350,000 soldats, signer, sans que ses ennemis lui aient à peine laissé le temps de leur faire connaître sa détermination, un traité qui lui arrachait le fruit de dix années de génie, d’efforts et de gloire ? Les alliés avaient fixé au 10 août le terme rigoureux des négociations ; mais il avait été expressément convenu que les hostilités ne recommenceraient que six jours après, c’est-à-dire le 17. L’armistice se prolongeait donc de fait jusqu’au 16 au soir. L’Autriche était plus que jamais maîtresse de la situation ; elle tenait dans sa main la paix et la guerre. Si elle voulait la paix avec autant de sincérité qu’elle affectait de le dire, elle avait un moyen certain de l’imposer aux alliés : c’était de se jeter au-devant d’eux, de leur montrer Napoléon prêt à tout céder et ne cherchant plus qu’à sauver son honneur. Si l’empereur François prenait cette attitude à la fois nette, ferme, conciliatrice, il n’y avait aucun doute qu’il commanderait la paix. Ainsi raisonnait Napoléon. En conséquence il envoya au duc de Vicence deux contre-projets. Dans le premier, peu sérieux, mis en avant seulement pour ouvrir les voies et ménager un accueil favorable au second, il offrait d’indemniser le roi de Saxe de la perte du duché de Varsovie au moyen de la cession du territoire qui appartenait à la Prusse sur la rive gauche de l’Oder, y compris les places de Stettin, de Custrin, de Glogau. Berlin se trouvait ainsi en dehors de la nouvelle délimitation prussienne et était donné à la Saxe.

M. de Caulaincourt ne devait communiquer le second contre-projet qu’après avoir vainement tenté de faire accepter le premier. Voici le texte de ce second contre-projet :