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surfaces sera subitement transformé en un centre éclairant. Tous les corps possèdent cette propriété, bien qu’à des degrés divers ; l’air atmosphérique lui-même la partage, et chacune des molécules qui le compose s’illumine au moment où la lumière la traverse ; la voûte céleste qui s’étend au-dessus de nos têtes et qui se termine à l’horizon devient dès lors un immense luminaire qui nous envoie de tous ses points une lumière mêlée de bleu et de blanc ; les nuages qui sont répandus au milieu de l’air nous éclairent, et enfin chaque objet terrestre, arbres, terres, montagnes, maisons ou rochers, végétaux ou animaux, tout devient une source de lumière.

Voilà donc les rayons solaires une première fois déviés de leur route, une première fois diffusés par les corps qu’ils frappent directement, et voilà un soleil unique dont la seule présence allume pour ainsi dire une infinité d’autres luminaires. À leur tour, tous ces rayons, une première fois diffusés, se propagent dans l’espace et rencontrent des surfaces qui les diffusent une seconde fois. Une maison éclaire la maison voisine, un arbre illumine le sol qu’il couvre, le ciel verse de la lumière sur tous les détails du paysage, tous ces rayons de seconde main subissent ensuite une troisième diffusion, qui peut en produire une quatrième, et ce mouvement une fois commencé ne s’arrêterait jamais, s’il n’y avait à chaque réflexion nouvelle une perte progressive de lumière. Telle est, dans ses circonstances générales, la marche des rayons solaires : c’est un croisement perpétuel de faisceaux qui se mêlent sans se détruire, qui se renvoient de tous les points vers tous les points, pénètrent jusqu’aux forêts les plus sombres et aux eaux les plus profondes, et qui ne laissent dans la nature aucun lieu inaccessible à la lumière émanée d’abord du soleil. Aussitôt que cet astre se montre, tout s’illumine ; aussitôt qu’il disparaît, tout rentre dans l’obscurité.

Si l’on veut, après avoir étudié dans son ensemble le mécanisme général de l’éclairement du monde, entrer dans un examen plus circonstancié des détails, on est conduit bientôt à une remarque capitale, on reconnaît que les différentes substances possèdent, à des degrés très divers, la faculté de diffuser la lumière. Une feuille de papier blanc renvoie la presque totalité des rayons qu’elle a reçus, pendant qu’une étoffe noire absorbe et ne réfléchit pas les faisceaux qui la rencontrent. Les corps se classent et s’échelonnent depuis ceux qui s’éclairent le mieux jusqu’à ceux qui ne s’illuminent pas, et l’on passe par une gradation continue des premiers aux derniers ; de là résulte dans la nature cette variété d’illumination, ces oppositions d’éclat entre des objets voisins, ces différences d’éclairement qui tracent les contours des uns sur le fond des autres, et qui contribuent à rendre visibles les détails infinis dont les ensembles sont composés.