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la renaissance joua dans le combat du XVIe siècle, parce que ce rôle fut tout moral et indirect, parce qu’il n’y a pas de statistique qui puisse nous apprendre le nombre des bons conseils qu’elle donna, des inspirations humaines qu’elle souffla à l’oreille des puissans ; parce qu’en un mot elle n’eut pas de moyens matériels de lutte, c’est-à-dire une armée, un budget, une administration régulière, une hiérarchie ; mais son influence, pour être latente, n’en fut pas moins sensible : si elle n’a pas beaucoup agi, elle a sans doute beaucoup empêché. La mêlée sanglante du XVIe siècle aurait été sans elle beaucoup plus horrible et plus longue. Son esprit ayant pénétré partout, quoique irrégulièrement et capricieusement, dans les cours, dans les camps, chez les hommes d’église et les hommes de justice, il se forma un petit noyau d’hommes bien faible sans doute pour la résistance, quand on songe au débordement furieux des passions à cette époque, qu’on peut appeler le parti des hommes éclairés. Le combat s’engagea malgré eux et sans eux ; mais leur neutralité ne fut pas inutile, et l’humanité de ce petit nombre suffit pour donner de la prudence aux plus ardens et de la circonspection aux plus féroces. Ils eurent aussi un autre avantage : ils furent tous, à peu près des hommes choisis et d’élite, des publicistes comme Érasme, des politiques comme L’Hôpital, des magistrats comme Séguier, Harlay et De Thou. Après tout, ce sont eux, au moins en France, qui ont fini par triompher ; ce sont les parlementaires, les hommes du tiers-parti, les monarchistes de la Ménippée, qui l’ont emporté avec Henri IV et l’édit de Nantes. Cette conclusion très modérée, trop modérée peut-être de la grande lutte du XVIe siècle n’est pas sans doute du goût de tout le monde ; elle n’est pas surtout du goût de M. Michelet, qui n’a pas assez de dédain pour ce triomphe de l’esprit bourgeois sur l’esprit héroïque. Nous aurions pu avoir mieux sans doute, mais nous aurions pu avoir pire, et puisque la renaissance n’a pu nous donner ni la république de La Boëtie, ni la monarchie du bon Pantagruel, il faut lui savoir gré d’avoir contribué pour sa part à nous donner la monarchie de Henri IV et à nous débarrasser de la république des ligueurs.

Mais la renaissance eut une signification bien plus élevée que toutes celles que nous lui avons données, un sens prophétique qui dépasse le XVIe siècle, et que nous commençons à apercevoir seulement aujourd’hui. La renaissance ne se présente plus à nous sous la forme où elle se présentait à nos pères, comme la rénovation des lettres et la substitution des bonnes méthodes naturelles aux méthodes artificielles de la scolastique. Elle fut un mouvement catholique dans tous les sens. Quoiqu’elle ait servi la réforme par ses pamphlets, par son érudition, par ses traductions des Écritures, elle ne s’allia jamais étroitement avec le protestantisme, et resta toujours