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de l’antiquité reconstituèrent pour ainsi dire la tradition humaine, et renouèrent la chaîne des temps que la barbarie avait brisée. Grâce aux efforts des savans, il n’y eut plus de lacune dans l’histoire, et le genre humain put reconnaître son identité. Est-ce là, comme on l’a dit de nos jours, un retour au paganisme ? C’est bien plutôt, j’ose le croire, le présage d’une nouvelle évolution de la pensée, et, pour tout dire, une préparation d’un catholicisme plus compréhensif, d’une église moins exclusive que celle du passé ; c’est la promesse d’une église catholique qui n’exista pas dans le passé même pour les meilleurs esprits, mais que nous commençons à sentir de nos jours, et qui est destinée à renfermer dans sa vaste enceinte les hommes bons et sages de tous les pays et de tous les temps. Dans cette réconciliation de toutes les sagesses se trouve le dernier mot des destinées humaines et l’accomplissement de toutes les promesses et de toutes les prophéties. Or la renaissance a été la première promotrice de cette église universelle et vivante qui durera jusqu’à la fin des temps et qui dira le dernier mot de l’histoire ; elle ira donc, elle aussi, jusqu’à la fin des temps et durera autant que l’histoire. Ses destinées sont certaines comme celles du genre humain, que pour la première fois elle eut la gloire de découvrir.

L’ambition de la réforme fut moins éclatante, mais son but fut plus pratique et plus direct, et ses résultats furent immédiats. Elle s’adressa à l’individu au nom du sentiment chrétien traditionnel, et l’individu répondit ; les masses populaires comprirent son appel menaçant et sonore : il n’ y avait rien là qui fût étranger à leurs instincts, à leur éducation, à leurs habitudes. La réforme réussit par les moyens qui avaient manqué précisément à la renaissance. Si elle n’avait compté que sur la force spirituelle des idées, si elle avait dû s’en tenir à la prédication, à la controverse, si elle n’avait pu employer d’autre glaive que le glaive de la parole, nul doute qu’elle n’eût péri. Elle n’eût été qu’une simple opinion philosophique et religieuse, soumise au caprice des générations successives ; elle n’aurait jamais formé une civilisation. Elle eût péri, parce qu’elle se fût trouvée désarmée en face d’un pouvoir qui avait à son service tous les moyens matériels de compression. Elle vécut au contraire parce qu’elle put former, ce que la renaissance ne put faire, un parti, qui trouva pour complices des peuples entiers chez lesquels elle eut le bonheur de remuer de vieilles animosités, de vieilles rancunes traditionnelles, et des intérêts de race endormis, mais non éteints. Elle put trouver des princes pour protéger ses docteurs, des magistrats pour punir ses adversaires du glaive séculier, des rois pour la proclamer, du haut des trônes, religion de l’état. Elle put contracter des emprunts, fondre des canons, solder des cavaliers. Le plus grand homme de la renaissance n’aurait pu soulever une paille ; le dernier