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alla en pièces, jusqu’au moment où le fondateur de la dynastie des Sophis réunit quelques-uns de ces débris et reconstitua le royaume de Perse. Une fois installé sur le trône, Châh-Ismaïl s’occupa de faire rentrer sous sa loi tous les pays possédés par ses prédécesseurs. Hérat fit partie du nouveau royaume et ne s’en détacha qu’à l’époque où la puissance des Sophis déclinant, chaque province chercha à se rendre indépendante. Les Hératiens brisèrent leur chaîne, mais pour en porter une autre, car ils tombèrent au pouvoir de Mahmoûd-Khân, chef du Kandahâr. Ce prince, impatient de s’illustrer, aventureux autant que brave, s’en alla à travers les déserts salés du Khorassâh, suivi de quelques mille hommes, mettre le siège devant Ispahan. Hérat fournit un contingent important à cette troupe d’aventuriers. On sait comment leur chef, parvenant sans obstacle sur les bords du Zendèhroud[1] et dans le palais même des rois de Perse, arracha violemment de son trône chancelant l’indigne représentant de la grande famille des Sophis. Mahmoûd-Khân, après avoir reçu la tourâh[2] des mains mêmes du monarque qu’il contraignit à cette humiliation, s’assit imperturbablement sur le trône de Châh-Abbas le Grand, et le transmit à son successeur, qui fut chassé par Châh-Thamas, descendant des Sophis. Ce prince envoya peu après contre Hérat, qui avait suivi la fortune des vaincus, son général Nadir-Kouli-Khân, qui s’en empara et le garda. Ce soldat de fortune, devenu roi, fit la conquête de tout l’Afghanistan. Les historiographes de Nadir-Châh racontent même que, de retour de sa grande expédition dans l’Inde, il voulut entrer en triomphateur dans Hérat, et qu’il y fit exposer tous les trésors qu’il avait enlevés à Delhi, notamment ce fameux trône de l’empereur hindou, orné de pierreries de la plus grande beauté et fait en forme de paon, ce qui l’avait fait surnommer Tâhht-i-Taoûs ou Trône du Paon. Pendant plusieurs jours, le peuple d’Hérat put contempler ces riches trophées d’un vainqueur dont sa défaite avait inauguré la fortune.

À la mort de Nadir, son empire se démembra, faute d’un homme qui pût le tenir d’une main aussi vigoureuse. L’Afghanistan, qui, ayant l’invasion de l’Inde par les Persans, avait fait partie de l’empire mongol, se déclara indépendant et reconnut pour chef Ahmet-Khân, l’un des généraux de Nadir. Ahmet-Khân se fit couronner roi à Kandahâr. Hérat tomba au pouvoir du nouveau monarque. La Perse était alors divisée entre plusieurs petits princes qui s’étaient partagé les dépouilles de Nadir, et aucun d’eux n’était en état de revendiquer Hérat. L’Afghanistan fut longtemps fort agité. Zeman-Châh, petit-fils du fondateur de ce royaume, entreprenant et belliqueux,

  1. Rivière d’Ispahan.
  2. Aigrette royale de Perse.