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de lever le siège, sous peine d’une déclaration de guerre et d’une invasion dans ses provinces du sud. Mohammed-Châh reçut mal cette injonction, mais il se sentit ébranlé. Quant au vizir, il ne savait plus que faire. L’ambassadeur de Russie, le général Simonitch, qui était aussi dans le camp, profitant du ressentiment du roi, fit alors prévaloir son influence, et de nouveaux préparatifs furent commencés pour une attaque décisive. Le ministre d’Angleterre plia ses tentes et partit en proférant des menaces violentes. À ce moment sans doute, il pensait qu’Hérat succomberait, mais il n’en fut point ainsi. Ce que le courage obstiné, le patriotisme, le fanatisme religieux des assiégés n’eussent peut-être point obtenu, un stratagème bizarre réussit à le faire. Les habitans d’Hérat, déguisés sous les longs voiles que portent les femmes, garnirent les remparts, puis firent savoir au camp persan que toutes les femmes se réunissaient pour implorer la miséricorde du vainqueur, qui n’avait plus qu’à se présenter pour recevoir leur hommage. Mohammed-Châh s’avançait déjà avec sécurité vers les portes, lorsque les vêtemens féminins furent rejetés en arrière, montrant à l’armée persane stupéfaite les terribles défenseurs d’Hérat. Les troupes royales surprises ne purent soutenir le choc, et la déroute fut complète. Le châh leva le siège.

Pendant que Mohammed-Châh retournait dans sa capitale, M. Mac-Neil, qui s’était arrêté près de la frontière turque, revenait aussi à Téhéran. Il attribuait peut-être le retour du châh à l’effet de ses remontrances, ou tout au moins pensa-t-il que, vie but étant atteint, rien ne l’empêchait de renouer ses relations avec la cour de Perse ; mais le roi était d’un autre sentiment, il n’accorda pas même une entrevue. La légation anglaise, obligée de quitter le pays, repassa en Arménie et alla à Erzeroum attendre les nouvelles instructions de son gouvernement[1]. La Russie triomphait, son influence l’avait emporté ; elle était désormais seule à Téhéran, sans rivale, sans adversaire.

Cependant le représentant de l’Angleterre avait parlé trop haut pour que les effets de sa colère se fissent attendre. La tentative des Persans contre Hérat eut pour première conséquence d’amener des troupes anglaises sur le territoire de la Perse. Un petit corps de troupes de l’Inde remonta le Golfe-Persique, occupa l’île de Karrak, et prit Bouchir sans coup férir. Les relations entre l’Angleterre et la Perse restèrent interrompues pendant plusieurs années. Bientôt, il est vrai, les maladies amenèrent l’évacuation de Bouchir ; mais les Anglais ne partirent qu’après avoir répandu dans le pays de l’argent,

  1. C’est à Erzeroum que l’ambassade de France allant en Perse, en 1839, trouva les membres de la mission anglaise, ayant alors pour chef M. le colonel Sheil, depuis ministre à Téhéran.