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une nouvelle complication s’était produite à Téhéran. À la suite d’une affaire ridicule, où une femme musulmane s’est trouvée compromise, M. Murray avait cru devoir amener son pavillon et quitter la Perse. Ce pays restait donc livré à ses propres inspirations ou conseillé par la Russie ; mais, ainsi qu’il était arrivé à chaque rupture ou même à chaque difficulté entre la Perse et l’Angleterre, celle-ci avait menacé le châh d’une invasion dans le Golfe-Persique. Les choses suivaient leur cours de part et d’autre, l’armée persane entrait dans Hérat le 25 octobre 1856, et un corps expéditionnaire anglais partait de Bombay le 11 novembre suivant. À la suite de ces événemens, dont le résultat pouvait se faire longtemps attendre, un personnage élevé de la Perse, Farouk-Khân, partait de Téhéran, envoyé en ambassade auprès de l’empereur des Français. Cette mission, toute de courtoisie, répondait à celle qu’avait remplie notre ministre, M. Bourée, auprès du châh. Arrivé à Constantinople, Farouk-Khân se mit en rapport avec lord Stratford de Redcliffe, et, en vue d’ôter à l’Angleterre tout prétexte sérieux de faire la guerre à la Perse, il laissa entrevoir des chances de conciliation. Les démarches de l’ambassadeur persan ne manquaient pas d’habileté. Il n’était peut-être pas d’une mauvaise politique de se montrer tout prêt à faire des sacrifices qui pourraient être repoussés, mais qui devaient mettre l’adversaire dans son tort. Les ouvertures de Farouk-Khân n’eurent aucun succès auprès de l’ambassadeur anglais. Celui-ci se montra d’une hauteur telle qu’il n’y eut pas moyen de traiter avec lui. Cependant, et pour mettre tout le bon droit de son côté, sous peine même d’être taxé de faiblesse et de versatilité, d’après les conseils que lui avaient donnés les représentans de la France à Constantinople et à Téhéran, l’ambassadeur persan alla jusqu’à offrir l’abandon d’Hérat, en échange de la suspension des hostilités dans le Golfe-Persique. Cela ne faisait pas le compte de l’Angleterre, qui aspirait à autre chose encore, qui avait à cœur de faire ses frais de guerre, et qui ne voulait pas rentrera Bombay sans avoir, par un grand coup, terrifié pour l’avenir la cour du châh. Farouk-Khân quitta Constantinople sans avoir pu, malgré ses protestations et ses concessions, rien arracher à lord Redcliffe.

L’attitude de l’Angleterre doit-elle s’expliquer uniquement par les intérêts particuliers qui ont amené la rupture entre cette puissance et la Perse, ou bien par des intérêts plus généraux auxquels se rattache l’expédition préméditée du Golfe-Persique ? On en jugera. Les provinces méridionales de la Perse semblent depuis longtemps exciter la convoitise de l’Angleterre. Le sol en est fertile, bien arrosé, et les productions sont de la nature de celles qui font la richesse de l’Inde. L’indigo, le coton, la canne à sucre y viennent facilement. Ce territoire, qui avoisine le golfe, est habité par des populations qui,