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d’une méchante rivale, la comtesse Filomèle de Vicence. Tel est le conte bleu de MM. Lockroy et Léon Battu, qu’on assure être des gens d’esprit.

Il y a longtemps que M. Victor Massé joue du chalumeau le long des ruisseaux limpides, et qu’il fait retentir les bois d’alentour de ses rustiques roucoulemens. Il y a longtemps qu’il aspire à l’honneur de pouvoir s’écrier avec le poète de Mantoue :

Ille ego, qui quondam gracili modulatus avena
Carmen…

et tout ce qui s’ensuit. L’auteur gracieux de la Chanteuse voilée, de Galathée, des Noces de Jeannette, de la Fiancée du Diable et des Saisons a-t-il enfin réussi à courir pendant l’espace de trois actes sans perdre haleine ? La musique de la Reine Topaze est-elle plus neuve et d’une distinction moins maniérée que celle qui lui a voulu déjà tant de jolis succès tempérés par un peu d’ennui ? C’est ce qu’il nous reste à voir.

Passons vite sur l’ouverture, qui n’a rien qui mérite de fixer notre attention. Aussi bien ce qu’on appelle la jeune école moderne en est arrivé à ne plus pouvoir écrire une de ces petites préfaces de musique instrumentale qui disposent l’auditeur à écouter patiemment l’ouvrage qu’on lui a promis. Six jeunes seigneurs qui, par un beau matin de printemps, débusquent sur une petite place de Venise, chantent un léger sextuor : Ah ! quelle fête ! ah ! quel plaisir ! d’une harmonie suave, et que nous préférons au morceau qui vient après, un chœur à deux parties, dont la cadence à l’unisson soulève l’enthousiasme prémédité du parterre :

Nous sommes six seigneurs qui, pour la même femme,
Brûlons des mêmes feux…

Après cette introduction, heureusement disposée, le capitaine Rafaël, qui vient à la rencontre des beaux seigneurs vénitiens, raconte son histoire sur un rhythme saillant : Je suis capitaine d’aventure ! La réponse du chœur et l’accompagnement de l’orchestre encadrent ces couplets de manière à en atténuer la vulgarité. Nous préférons la romance que chante encore le capitaine Rafaël :

Beau cavalier, marche toujours !

dont la mélodie et l’accompagnement sont très recherchés, comme tout le premier acte. La prière nasillarde des deux bohémiens dont la reine Topaze se fait suivre ne manque pas d’une sorte de caractère. Il y a dans l’accompagnement une spirale dessinée par le basson qui est d’un effet piquant. La fantaisie vocale où la reine Topaze donne une définition allégorique du vol de l’abeille est charmante, finement accompagnée et bien supérieure aux vocalises prodigieuses que Mme Miolan débite sur l’air du Carnaval de Venise. Le trio syllabique entre les deux bohémiens et la reine Topaze, dont ils viennent d’exécuter un ordre difficile :

Il est là, le voilà,

est ingénieux, bien en situation et toujours élégamment accompagné. Dans ce premier acte, qui est le plus long et le mieux réussi de l’ouvrage, nous