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rasée, celui-là avec des nattes de six pieds, cet autre à front monumental fait à coups de rasoir ; ce soldat sick enfin, ses cheveux relevés et noués en chignon comme une demoiselle chinoise. Les officiers natifs se distinguent par un collier de boules de bois doré. Du reste une tranquillité parfaite, un ordre profond. Chaque homme fait sa petite cuisine, dans son petit pot, à son petit feu, ou s’occupe de soins de propreté. C’est que la main des siècles, l’influence civilisatrice de la discipline militaire ont glissé sur la nature immuable de l’Indien comme l’huile sur le marbre. Trois coups de baguette, deux mots, et ces sauvages à demi nus, le fusil à piston à la main, l’habit rouge sur le dos, offriront des spécimens très respectables des soldats de l’honorable compagnie des Indes ; toutefois rien n’est changé dans leurs instincts, leurs habitudes : ce sont les hommes, les mêmes hommes qui, sous les drapeaux du roi Porus, combattaient, il y a deux mille ans, les guerriers d’Alexandre.

L’infanterie native de l’armée du Bengale se compose de soixante-quatorze régimens de ligne, uniformes quant aux cadres et à la force numérique, et d’un certain nombre de régimens locaux et de milice[1]. Les cipayes sont armés d’un fusil à piston semblable en tous points au modèle dont se servent les soldats de l’armée de la reine. Six régimens (les 9e, 25e, 57e, 65e, 67e, 68e) comptent une compagnie armée de la carabine à sabre baïonnette, équipée et organisée sur le modèle de la brigade des riffles. Pour compléter cet aperçu des forces d’infanterie de l’armée du Bengale, on doit citer encore les noms des régimens de Khelat-Y-Ghizie, Ferozepore, Loodianah, les deux bataillons d’infanterie d’Assam, etc., dans lesquels l’élément natif est à peu près le même que dans les régimens de ligne, mais dont l’état-major européen, beaucoup moins nombreux, est composé d’officiers détachés de ces derniers. Les soldats de ces corps sont soumis aux mêmes conditions de service que ceux de la ligne, sauf toutefois ceux des régimens locaux et des milices, tels que la milice de Calcutta, le bataillon d’Arracan, etc., qui ne peuvent être employés activement en dehors de leur province.

Les commandemens et les mots d’ordre sont donnés en anglais, et il existe, nous a-t-on assuré, dans le Punjab un régiment formé des anciens soldats de Runjet-Singh, où les commandemens sont faits en

  1. Chaque régiment d’infanterie comprend 1 colonel, officier-général, qui, comme dans l’armée de la reine, n’a de rapport avec le corps que pour toucher un certain bénéfice sur l’habillement et l’équipement des hommes ; 1 lieutenant-colonel, 1 major ; 6 capitaines, 10 lieutenans, 5 enseignes, 1 chirurgien-major, 1 aide-major et 1 sergent-major, tous Européens. L’effectif natif se compose de 10 soubadars et 10 jemmadars (native commissioned officers), 3 docteurs, 1 quarter-master (sergent), 60 havildars, 60 naicks, 20 tambours et 1,000 soldats.