Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/781

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! voici Mme Rose ! s’écria la petite fille, qui, sans prendre garde à l’eau dont elle était inondée, courut vers la dame en robe noire, et se jeta dans ses jambes.

— Il n’est pas arrivé de malheur à son frère ? demanda Mme Rose à la Thibaude.

— Oh ! non, madame ; le voilà, et voici monsieur qui l’a tiré de l’eau.

Mme Rose regarda M. de Francalin. Georges voulut saluer, mais il chancela ; un nuage passa devant ses yeux, et il tomba au pied de l’arbre.

Quand il revint à lui, M. de Francalin était assis dans un grand fauteuil devant un bon feu. Il lui sembla que ses membres avaient retrouvé leur élasticité et leur chaleur. Canada était debout devant lui, tenant à la main un morceau de flanelle imbibé d’eau-de-vie avec lequel il venait de le frotter vigoureusement.

— Où sommes-nous ? dit Georges en jetant les yeux de tous côtés.

— Pardine ! vous n’êtes pas chez moi ! Il faudrait chercher dans bien des maisons pour trouver ces beaux fauteuils et ces pendules avec des dames tout en or !… Il n’y en a pas deux comme ça dans tout Herblay ! Et comme ça sonne !… hein ? On dirait une petite cloche….

— Midi ! s’écria Georges !… Bon !… Pétronille va bien me recevoir !

Il fit un mouvement ; la couverture dont il était enveloppé s’entr’ouvrit, et il s’aperçut qu’il avait les jambes nues.

— Dame ! dit Canada en répondant aux regards de M. de Francalin, il a bien fallu vous déshabiller de la tête aux pieds ! Est-ce que vous ne vous avisez pas de vous évanouir comme une demoiselle ? Il y a une heure que je vous frotte. Voilà le flacon et voilà la flanelle. Le flacon y a passé tout entier, une eau-de-vie qui ressusciterait un mort, et dont j’ai goûté pour voir. Mme Rose ne marchande pas sur la qualité.

Mme Rose ?… cette jeune femme en noir ?… Est-ce que par hasard je serais chez elle ?

— Tiens ! vous n’avez donc pas regardé la pendule ? À peine étiez-vous par terre qu’elle a exigé qu’on vous conduisît dans sa maison. Je vous ai pris sur mes épaules et ne me suis arrêté qu’après vous avoir mis dans ce fauteuil. Eh ! eh ! la côte est roide ; c’est en haut seulement que je m’en suis aperçu.

— Pauvre Canada !… Ah ça ! mais je ne puis pas rester dans ce costume chez Mme Rose,… une couverture et rien dessous !

— Ne vous mettez pas en peine ! On n’est pas riche, mais on a deux habits complets. Voilà des souliers où vous serez comme dans