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Olier et des Condren. Au premier rang, c’est « le sublime Rancé qui, dans un jour aussi heureux pour lui que triste pour l’église et pour ses amis, s’éteignit à soixante-dix-sept ans, après quarante ans de la plus prodigieuse pénitence, et auquel le monde même rendit justice. » Autour du célèbre abbé de la Trappe se groupent, avec une nuance de rudesse janséniste qui semble les vieillir de près d’un demi-siècle, ce du Charmel, exilé de la cour et du plus grand monde, et « devenu homme de cilice à pointes de fer, à toutes sortes d’instrumens de continuelle pénitence. » C’est encore ce M. de Saint-Louis, « l’un de ces preux militaires pleins de droiture, qui la mettent à tout, sans s’en écarter jamais, et à qui le cœur et le bon sens servent d’esprit et de lumière. »

À la cour et sur le plus éclatant théâtre, les vieilles traditions se conservent chez ces deux beaux-frères si rapprochés par leurs idées, si dissemblables par leur physionomie, mais dont les mâles et discrètes vertus se confondent pour pénétrer de leur parfum les plus belles pages de Saint-Simon. C’est d’abord le duc de Chevreuse « offrant tout à Dieu qu’il ne perdait jamais de vue, et possédant son âme en paix qu’il portait, dit le psalmiste, dans sa main, amoureux par nature des voies obliques en matière de raisonnemens, mais toujours de la meilleure foi du monde, qui se livra avec un abandon qui dura autant que sa vie aux prestiges de la Guyon et aux fleurs de M. de Cambrai. » A côté de ce seigneur et dans une intimité qui confondit jusqu’à leur dernière heure ces nobles existences, apparaît le duc de Beauvilliers « dont la vie était entièrement partagée entre les exercices de piété, les fonctions de ses charges et les affaires qui ne lui laissaient que de courts délassemens dans le plus intime intérieur de sa famille. » Beauvilliers avait été profondément atteint par la mort de tous ses enfans ; il sut toutefois en offrir héroïquement à Dieu le sacrifice, et, surmontant le sentiment de sa douleur par celui de ses devoirs, il parut reprendre un calme qui ne tarda pas à l’abandonner, lorsque la Providence le frappa d’un coup plus terrible, il n’hésite pas à le confesser, que la perte de son propre fils. « Toute la tendresse de M. de Beauvilliers s’était réunie en effet sur le duc de Bourgogne, dont il admirait l’esprit, les talens, le travail, les desseins, la vertu, les sacrifices et la métamorphose entière que la grâce avait opérée en lui et y confirmait sans cesse ; il était sensiblement touché de sa confiance sans réserve et de leur réciproque liberté à se communiquer, à discuter et à résoudre toutes choses ; il était pénétré de l’amour de l’état, de l’ordre, de la religion qu’il allait voir refleurir et comme renaître sous son règne. »

La mort du duc de Bourgogne n’est dans l’histoire de cette époque une date aussi importante que parce qu’elle fit évanouir les dernières