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blessés russes. Le même fait s’était déjà produit après la bataille d’inkerman. Le gouvernement russe a hautement désapprouvé ces actes de barbarie ; le général Luders, tout en les atténuant, les a flétris dans sa correspondance avec le général Canrobert et le général Pélissier. On rendrait ces méprises impossibles si, par une entente commune entre les nations, les médecins et le personnel hospitalier portaient un signe distinctif, le même dans toutes les armées et dans tous les pays, qui les fît reconnaître aisément des deux partis.

Plus loin se trouve le pont par lequel les colonnes russes avaient débouché le 18 août. Il est dominé par les monts Fédouchine, qu’occupait le corps du général Mac-Mahon. Tout le côté gauche de la vallée a été constamment gardé par l’armée française, et même après la prise de Sébastopol, les divisions du 1er corps, commandées par le général de Salles, s’étendirent jusque dans la forêt de Baïdar. Le changement des bivouacs, l’installation au milieu des bois a été très favorable à la santé des soldats. La forêt de Baïdar est d’une riche végétation et d’un aspect sévère ; elle a pour cadre de majestueuses montagnes coupées par de beaux et frais vallons ; des villages pittoresques où tout respire l’aisance s’échelonnent sur les pentes ; çà et là on rencontre d’élégans rendez-vous de chasse, comme le château de Pérouski ; des cours d’eau frais et limpides y forment la source de la Tchernaïa, C’est bien là le meilleur bivouac qu’on puisse rêver : aussi la division d’Autemarre, bien que sur trois nuits elle en passât une de grand’garde, est-elle restée dans d’excellentes conditions de santé pendant le rude hiver de 1856.

Si de la forêt de Baïdar on se dirige vers l’est et le sud, on arrive, par une série de montagnes sur la croupe desquelles était campée l’armée sarde avec ses ambulances, au petit port de Balaclava, caché dans l’anfracture sinueuse d’un immense rocher. C’était autrefois une retraite assurée pour les pirates. On y voit encore les ruines d’un fort bâti au XIIIe siècle par les Génois. Balaclava ne contenait plus que quelques familles de pêcheurs quand les Anglais sont venus le métamorphoser. Ils y ont apporté leur industrie, ils y ont construit un chemin de fer, cent navires y ont versé sans interruption tous les produits de la civilisation. Les camps de nos alliés ont été largement pourvus de tous les bienfaits du comfortable : aussi les Anglais ont-ils été préservés en 1856 du scorbut et du typhus. Quand on compare les conditions ou se trouvèrent les Anglais au début de la guerre j qui les prenait au dépourvu, et celles où ils s’étaient placés en 1856, on est forcé de reconnaître la grandeur de la nation britannique.

Le quartier-général de l’armée sarde, placé à Kadikeuï, village3, grec situé à l’entrée de la plaine de Balaclava, était envahi pour le