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nostalgie et les maladies, entretenir la gaieté et la santé. Son effectif est resté presque intact.

L’armée anglaise tout entière a passé l’hiver de 1856 sous des baraques bien closes. Chaque matin, le plancher sur lequel les soldats couchaient était saupoudré de sable fin qu’on balayait le soir. Un poêle sans cesse bourré de charbon de terre permettait de tenir les ventouses toujours ouvertes. Deux baraques servaient de cabinets de lecture. On y trouvait des livres, des bancs, une table, des plumes, du papier et de l’encre. Seulement le soldat anglais, qui se plie mal aux corvées, brûlait les ordures, tandis que les nôtres les enterraient. En hiver, ces tas d’ordures brûlaient difficilement, et une fumée noire, infecte, se répandait autour des cantonnemens.

Les matériaux de construction enlevés des ruines de Sébastopol ont été d’abord partagés également entre les Anglais et les Français, ensuite répartis entre les divers régimens. Sans ces matériaux, l’armée eût souffert bien plus cruellement pendant l’hiver de 1856. Il fallait voir avec quel entrain les soldats cherchaient le bois sous les décombres et le chargeaient sur leurs épaules ou sur les arabas. Planches, poutres, fenêtres, portes brisées, briques, tuiles, tout était bon. Les Russes, les voyant si ardens, essayaient de les inquiéter à coups de canon ; nos soldats ne se dérangeaient pas pour si peu. J’en ai vu grimper sur la toiture d’un haut bâtiment pour arracher les feuilles de zinc ; les Russes tiraient sur eux comme à la cible, ils répondaient par un geste moqueur bien connu des gamins de Paris.


IV. – LES VETEMENS.

De même que les guerres de l’Algérie ont apporté dans le costume militaire certaines modifications qui l’ont approprié au climat, de même dans la guerre de Crimée on a emprunté aux indigènes tartares certains vêtemens qui prémunissaient mieux nos soldats contre les rigueurs de l’hiver.

La criméenne est une ample et longue capote à capuchon et à petit collet, tombant jusqu’à mi-jambe. Le drap en est grossier, mais chaud et presque imperméable. Sauf les officiers généraux, qui se couvraient d’un pardessus garni de fourrure, tout le monde portait la criméenne : elle remplaçait le burnous et le caban africains. Ce vêtement a été fort utile, et peut-être sera-t-il définitivement adopté. Il préservait le soldat des maladies qu’il gagné si souvent en passant brusquement de la haute température du corps-de-garde au froid de l’air extérieur pour monter sa faction de nuit. Le capuchon garantit la tête et le cou contre le froid, le vent, l’humidité ; il prévient les engorgemens des glandes cervicales et les bronchites