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parlé jusqu’ici de l’inviolabilité de la propriété privée maritime. Qu’est-ce que la guerre ? Une pression douloureuse exercée par un état sur un autre pour en obtenir ce que la persuasion est impuissante à faire accorder. Or il est évident qu’en pillant et brûlant la maison d’un pauvre homme, on n’exerce qu’une pression individuelle dont l’état ennemi ne se ressent pas. On fait donc, en dehors du grand but de la guerre, un mal particulier et gratuit, ce qui est toujours aussi absurde que méchant. Il n’en est pas de même lorsqu’on s’attaque à de grands intérêts collectifs qui, quoique ne se rattachant pas directement à une propriété de l’état ennemi, peuvent cependant, quand ils sont en souffrance, affaiblir son crédit et diminuer ses ressources matérielles. Une armée envahissante arrive dans la capitale d’un pays dont les forces occupent encore les provinces. Dans cette capitale, il y a une banque de circulation. Nul doute que le général qui commande cette armée n’ait le droit de fermer cette banque, pour peu qu’il croie qu’elle peut procurer des fonds à l’ennemi. Cependant cette mesure peut ruiner les actionnaires, qui sont des hommes privés. C’est un malheur, mais qu’y faire ? Le commerce maritime est un de ces grands intérêts collectifs dont l’état ressent immédiatement les souffrances. Par conséquent on peut croire, sans vouloir retourner à la barbarie, que le droit des gens ne saurait, d’une manière absolue, interdire de le frapper. Des théories philanthropiques s’y opposent, il est vrai. Ces théories, je ne les combattrai pas, car je me sens personnellement entraîné vers elles, et j’ai la conviction qu’elles prévaudront un jour. Je n’ai d’autre but ici que d’expliquer en vertu de quels principes l’opinion contraire peut être logiquement et consciencieusement soutenue, et d’indiquer avec quelle prudence et quelle circonspection il faut marcher dans ce sentier de la diplomatie, où l’on vient se heurter à chaque pas contre le sic et non.

Les Américains ont d’autres erremens : ils abordent les questions les plus délicates et les plus sujettes à controverse avec des façons absolues que la plume habile et polie de M. Marcy ne parvient pas toujours à dissimuler. Ils auraient été plus fidèles sans doute à l’esprit qui leur dicta les traités de 1785, de 1799 et 1828, s’ils eussent d’abord accédé aux trois dernière articles de la déclaration du 16 avril, articles contre lesquels ils n’élèvent aucune objection, afin de donner avant tout une preuve de la sincérité de leur désir d’aider la cause de la civilisation et de l’humanité. Ils auraient pu ensuite faire les réserves qu’ils auraient jugées convenables, et provoquer amicalement de nouvelles conférences pour la discussion de leur contre-proposition. Certes ils pouvaient la soutenir par des argumens moins personnels que ceux qu’ils ont employés jusqu’à présent. Ils pouvaient dire que, dans un temps de diffusion commerciale