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dans le domaine des plus pacifiques débats. La question de Neuchâtel n’est-elle point de ce nombre ? Elle n’est pas résolue encore sans doute : il ne paraît y avoir jusqu’ici qu’un point bien acquis, c’est que la conférence appelée à régler irrévocablement la situation de Neuchâtel devra se réunir à Paris. Le roi Frédéric-Guillaume s’est évidemment trouvé soulagé de n’avoir point à disputer par les armes un droit qu’il est disposé à abdiquer ; mais quelles conditions met-il à la cession entière et définitive de ce droit, dont il s’est montré peut-être plus jaloux que son peuple ? Le cabinet de Berlin demande, dit-on, que le drapeau prussien continue à couvrir le château de Neuchâtel ; il voudrait assurer au roi la libre possession de ses domaines dans le canton ; il tiendrait enfin à la conservation de ce qu’on nomme les bourgeoisies, sortes de corporations féodales de création prussienne. Si c’est une entrée en négociation, rien n’est plus simple. Comment cependant le roi Frédéric-Guillaume attacherait-il un grand prix à voir flotter le drapeau prussien sur le château de Neuchâtel, au risque d’exposer ce drapeau, signe d’une puissance qui n’existe plus, à des manifestations populaires également compromettantes pour la Suisse et pour la Prusse ? Dans l’affaire des domaines, il ne peut y avoir une difficulté très sérieuse, s’il s’agit des biens possédés à titre privé par le roi. S’il s’agit des domaines de l’état, personne n’ignore que ces biens ne sont pas la propriété particulière du prince : ils restent attachés à la souveraineté, dont ils suivent la loi et avec laquelle ils se transmettent. Quant aux bourgeoisies, leur existence est peu importante, pourvu qu’elle ne soit pas en contradiction avec le droit public de la Suisse. Au fond, le roi Frédéric-Guillaume dispute avec lui-même pour se dessaisir d’un pouvoir qui n’existe plus en fait, et même, en cédant ses droits, il en voudrait peut-être retenir au moins l’ombre. C’est la politique de son imagination. Sa raison doit lui montrer qu’une complication de ce genre, une fois ramenée dans le domaine de la diplomatie, n’en peut plus sortir, et qu’une cession de souveraineté, admise en principe, a ses conséquences logiques, naturelles et inévitables.

La question de Neuchâtel a eu cela de particulier, qu’elle a été une diversion au moment où s’agitaient toutes les questions qui se rattachent à l’exécution du traité du 30 mars, aux destinées de l’Orient, et qui sont entrées elles-mêmes dans la voie des solutions régulières. Depuis que la conférence dernièrement réunie à Paris a prononcé sur tous ces différends obscurs, nés d’interprétations divergentes, il ne pouvait plus y avoir de doute. Le résultat des dernières décisions de la diplomatie se montre aujourd’hui : la Russie vient d’abandonner les points contestés soit à l’embouchure du Danube, soit sur la frontière de la Bessarabie ; l’Angleterre rappelle ses vaisseaux de l’Euxin, tandis que les Autrichiens vont quitter les principautés, et au même instant a été promulgué le firman de la Porte qui convoque les divans de la Moldavie et de la Valachie pour préparer l’accomplissement des dernières stipulations de la paix, c’est-à-dire l’organisation des deux provinces du Danube.

Ce n’est pas seulement la Turquie d’ailleurs que les troupes étrangères vont quitter en ce moment ; elles sont sur le point de se retirer aussi de la Grèce. Chose étrange, sans avoir pris part à la guerre, le royaume hellénique, pour une triste aventure, pour un oubli de ses intérêts et de sa vraie politique, est resté un des pays le plus longtemps occupés par des armées