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Napoléon ? Marmont lui-même brûlait la dernière poudre sous Paris le 30 mars. Ici commence pour lui le passage périlleux. Pour dire le grand mot en effet, le duc de Raguse à cette extrémité a-t-il trahi l’empereur ? est-il coupable de la défection de son corps d’armée campé à Essonne, et en définitive ce mouvement militaire lui-même a-t-il hâté la chute de l’empire ? Marmont se justifie de son mieux. On aime souvent à placer sur une seule tête la faute d’événemens qui sont bien au-dessus d’une responsabilité individuelle, et qui sont le fruit de tout un ensemble de circonstances. Sans doute Marmont et bien d’autres dans l’armée s’étaient refroidis pour Napoléon. Ils ne doutaient point de son génie militaire, ils jugeaient ses conceptions, et ils desservaient mal, parce qu’ils les condamnaient, parce qu’ils étaient las de la guerre comme tout le monde. Qu’on remarque de plus que leur caractère, trempé dans toutes les luttes de la vie militaire, était peu fait pour se mesurer avec des circonstances politiques toutes nouvelles pour eux ; c’est ce qui explique bien des mouvemens qui ressemblent à des défaillances, ou, si l’on veut, une certaine facilité de résignation en présence de l’irréparable. Napoléon lui-même avait préparé leur défense le jour où il avait cessé d’être le vrai et inattaquable souverain de la France pour se faire le chef d’un vaste système dont la France n’était plus qu’une partie, de telle sorte qu’il est arrivé un moment où les intérêts de l’homme et du pays n’étaient plus identifiés. Napoléon défendait Dantzig lorsque le sol de la France était envahi ; il tournait encore ses regards vers la Vistule, quand l’ennemi était sur la Marne ; il mettait son orgueil de dominateur de l’Europe à ne point traiter, et peut-être ne le pouvait-il pas, lorsque la France ne demandait pas mieux que de retrouver la paix, même au prix de conquêtes trop anormales pour être durables. Dès-lors Napoléon devenait un obstacle. Il était trahi par lui-même, non par ses lieutenans, et c’est ce qui couvre ce rôle ingrat que des soldats ont toujours à jouer dans la chute d’un empire et d’un homme qui ont eu leur dévouement. Ce serait là peut-être la moralité à tirer des Mémoires du maréchal Marmont. ch. de mazade.


REVUE DRAMATIQUE
La Question d’Argent, de M. A. Dumas fils.

Si notre génération ne devient pas le modèle des générations futures, ce ne sera pas la faute des poètes dramatiques. Dieu merci, les avertissemens, les leçons ne lui auront pas manqué. Comment la cupidité, qui s’est emparée de notre société, sortirait-elle victorieuse de la guerre engagée contre elle en prose et en vers ? M. Ponsard, on s’en souvient, a écrit deux comédies contre ce vice honteux, qui n’est pas encore aussi méprisé qu’il devrait l’être, l’Honneur et l’Argent et la Bourse ; c’est une seule et même pensée remaniée que le public a bien voulu prendre pour deux pensées diverses. Les amis de la morale, et surtout ceux qui préfèrent l’excellence des intentions à la finesse du dialogue, ont applaudi les Pièges dorés, qui ne laisseront certainement aucune trace dans notre littérature. Jusqu’ici pourtant, je suis