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depuis si longtemps, et ils venaient les chercher dans leur domicile. On eût pu croire que les Silinges, fédérés de l’empire et mêlés aux habitudes de la vie romaine pendant trois quarts de siècle, étaient tant soit peu conquis à la civilisation : il n’en était rien, et au premier mot de leurs frères ils partirent sans balancer, tant l’esprit de vagabondage et le goût des aventures étaient innés chez cette race des Vandales ! Astinges et Silinges formèrent une division à part et comme une troisième horde dans l’émigration. Ces bandes, qui s’en allaient chercher ensemble une patrie vers le soleil couchant, se furent bientôt liées et concertées pour une expédition commune. La Gaule et la Germanie se rencontraient toutes deux au bout de leur course. Entre ces deux pays, l’un riche et l’autre pauvre, leur choix ne fut pas douteux : ils décidèrent que la Gaule serait attaquée de deux côtés à la fois, afin de diviser les garnisons romaines de la frontière qu’ils savaient d’ailleurs presque réduites à rien. Les Alains et les Suèyes se chargèrent d’attaquer par le Rhin supérieur, entre le lac de Constance et les Vosges ; les Vandales, par le Rhin moyen, à l’endroit où le Mein se jette dans ce fleuve, et en face des remparts de Mayence. Ils ne doutaient point que les Germains de la rive droite, Alamans et Franks, ne vinssent avec empressement se joindre à eux et ne leur facilitassent le passage du fleuve. Les rôles ainsi distribués, chacun prit la direction convenue, et tandis que les hordes suève et alaine se rapprochaient des Vosges, les Vandales, repassant le Danube, entrèrent dans les montagnes de la Thuringe et gagnèrent la vallée du Mein.

Leur étonnement fut grand au débouché de cette vallée, lorsqu’ils virent en face d’eux les Franks, qui, bien armés et en bon ordre, étaient venus leur barrer le chemin. Les habitudes connues des Franks rendaient la surprise naturelle, et les Vandales avaient bien pu se tromper dans leurs calculs. Quand ils se furent assurés que l’opposition était sérieuse, et que les Franks se portaient réellement pour champions de la Gaule, ils n’hésitèrent pas à les attaquer ; mais ils furent battus et mis en fuite avec une perte que les historiens évaluent à plus de vingt mille guerriers : leur roi Godégisile resta parmi les morts. Hors d’état de reprendre l’offensive après un tel désastre, la horde vandale rebroussa chemin et regagna toute découragée le pied des montagnes de la Thuringe, Tandis que ces choses se passaient, les hordes combinées des Alains et des Suèves s’approchaient du Rhin supérieur, où le même spectacle frappa leurs yeux ; seulement c’étaient les Alamans qui fermaient ici l’accès du fleuve et se proclamaient champions de l’empire romain. Moins ardentes ou moins présomptueuses que la horde vandale, celles-ci s’arrêtèrent à distance pour observer et délibérer en commun. Le conseil