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grossirait en chemin, et ils évacuèrent Trêves avec la caisse publique, les archives de la préfecture et le corps des employés de l’office prétorien. Il paraît que la préfecture ambulante fit halte en divers lieux avant de se fixer, et qu’Autun, l’antique et illustre capitale des Eduens, la posséda pendant quelque temps ; mais elle n’y resta point, Liménius l’y trouvant encore trop exposée aux surprises des Barbares. Lyon même ne lui parut pas assez sûr, et il ne s’arrêta que dans les murs d’Arles. Au reste, nulle autre ville, dans ce désarroi général des Gaules, ne semblait plus propre à devenir le siège du gouvernement romain. — Résidence du grand Constantin et de quelques-uns de ses successeurs, décorée, agrandie par leurs soins, Arles était devenue pour les provinces gauloises du midi une métropole de fait, sinon de droit. Voisine de la mer et protégée non-seulement par le Rhône, mais aussi par la nature même du pays, entrecoupé d’étangs et de canaux, elle offrait de faciles moyens de défense et de ravitaillement, et une flotte de galères perpétuellement à l’ancre sous les terrasses du prétoire impérial pouvait mettre à couvert, en cas de danger, la vie du préfet avec l’honneur de la préfecture. Ainsi Rome, en retraite devant la barbarie, se repliait sur elle-même, et ce n’était pourtant pas en Gaule qu’elle devait ressentir les premiers symptômes de mort.

Pendant ces évolutions de la préfecture des Gaules, les Barbares pillaient de fond en comble la zone territoriale riveraine du Rhin. Des haute et basse Germanies, ils passèrent dans la Belgique, qu’ils commençaient à traiter de la même façon, lorsque, par une inspiration soudaine, ils s’arrêtèrent, rallièrent leurs détachemens épars, et la horde, concentrée de nouveau, partit tout d’un trait dans la direction du nord-est au sud-ouest, traversant la Gaule en diagonale jusqu’au pied des Pyrénées. Elle voulut passer en Espagne, mais elle trouva les défiles, les ports, comme nous disons encore aujourd’hui d’un vieux mot ibérien, qui signifie passage, bien fortifiés et vaillamment défendus. C’était le peuple de ces montagnes qui en avait seul la garde en vertu d’une ancienne coutume respectée par le gouvernement romain, et que l’Espagne regardait comme un droit. Les braves et agiles montagnards, embusqués dans des lieux inaccessibles, repoussèrent si bien toutes les tentatives des Barbares, que ceux-ci, découragés et prompts d’ailleurs à changer d’avis, renoncèrent à leur entreprise. L’histoire ne nous dit pas quelles raisons les y avaient poussés si soudainement. Trouvèrent-ils trop de mécomptes dans le pillage des Gaules, et cette province si souvent ravagée avait-elle paru à de misérables sauvages une trop chétive proie ? Craignirent-ils que les Germains, qui commençaient à pénétrer par la brèche qu’eux-mêmes avaient faite, ne vinssent les troubler dans leur conquête et leur en disputer le butin ? Enfin les Gaulois,