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intéressés à les éloigner, leur avaient-ils dépeint l’Espagne, vierge encore de toute guerre barbare, comme une contrée bien autrement riche et fertile que la Gaule, et dans laquelle Alains, Suèves et Vandales pourraient s’établir à l’aise et vivre grassement sans appréhender ni Germains, ni Romains ? Tous ces motifs concoururent vraisemblablement à leur faire adopter cette résolution, que l’intrépidité des montagnards avait fait échouer. Quoi qu’il en soit, les Barbares, irrités de leur défaite et de la perte de leurs espérances, se rejetèrent sur la Gaule avec une sorte de fureur.

Toutes les calamités qui désolaient naguère les provinces du nord s’apesantirent sur le midi : la Novempopulanie, l’Aquitaine, la Lyonnaise, provinces si privilégiées entre toutes par leur éloignement de la frontière, connurent à leur tour les angoisses d’une invasion barbare. L’Aquitaine, « cette moelle des Gaules, ce paradis de l’Occident, » comme on aimait à l’appeler, ne fut bientôt plus qu’un lieu de désolation, d’autant plus déplorable que ses habitans ne savaient ni se protéger eux-mêmes ni souffrir. Les uns cherchaient leur sûreté dans les villes, d’autres les désertaient. Les richesse construisaient dans les lieux écartés, parmi les rochers et les marais, des retraites faciles à défendre, où ils se transportaient avec leur famille, leurs meubles et leurs cliens ; mais la faim venait les y forcer au défaut de l’ennemi. Comme on ne labourait guère et que les Barbares se chargeaient de moissonner, la disette marcha bientôt de pair avec l’incendie et le massacre. Toulouse, longtemps assiégée, dut son salut à l’héroïque énergie de son évêque, Exupérius, qui vendit tout ce qu’il possédait et jusqu’aux vases sacrés de son église pour nourrir les pauvres qui défendaient la ville. Il sortit de ce siège si pauvre lui-même et son église si dénuée, qu’il était réduit à porter le vin de l’eucharistie dans un pot de verre et le pain dans une corbeille d’osier. On raconte qu’il resta pâle toute sa vie par suite des privations qu’il s’imposait à lui-même en nourrissant les autres. « Exupérius, dit à ce sujet un contemporain, ne souffrit jamais que de la faim d’autrui. »

On aurait pu croire que la tempête, en se transportant dû nord au midi, laisserait respirer les provinces du Rhin, et que le malheur des secondes servirait au soulagement des premières : il n’en fut point ainsi. La frontière une fois ouverte et la Gaule en plein pillage, les peuples germains s’y précipitèrent de tous côtés. Ce furent d’abord des Gépides et des Hérules, bandes terribles, mais passagères, qui se fondirent avec le temps et disparurent du pays, puis les Burgondes, qui y restèrent. Sortis en grand nombre de la forêt hercynienne, ils se jetèrent sur l’Helvétie et s’y établirent par violence. L’empire n’avait eu jusqu’alors avec ces barbares que des relations