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de 1827, la Mort d’Elisabeth, il vit bien que persister dans la voie où il venait d’entrer, c’était s’exposer à faire fausse route : il se hâta de rétrograder. Un soin excessif dans le rendu des accessoires put encore, sous sa main, nuire de temps à autre au relief des morceaux essentiels et diviser l’effet de ses compositions ; mais ce défaut, il travailla sans relâche à s’en corriger, et là même où les objets inertes sont traités par lui avec le plus d’amour, ils n’usurpent plus, comme dans l’Elisabeth, le droit de se mettre en vue. Une seconde fois seulement, et à quinze ans d’intervalle, M. Delaroche crut devoir recourir à ces artifices de brosse, à cette exécution tumultueuse qui exagère le rôle des détails et s’en prend surtout au costume. Le Charlemagne passant les Alpes, aujourd’hui au musée de Versailles, montre ce que le talent de M. Delaroche pouvait perdre à se préoccuper outre mesure des effets partiels ; mais revenons aux travaux qui résument le mieux les qualités de ce talent et à l’histoire de ses progrès.

La Mort du président Duranti, Miss Macdonald et les autres toiles exposées par M. Delaroche au salon de 1827, de nouveaux tableaux qui, sans être sortis encore de son atelier, commençaient à occuper la presse et le public, en un mot ce que l’on avait vu déjà ou ce que l’on s’attendait à voir avait donné au nom du peintre, vers la fin de la restauration, une importance considérable. Par ses tendances et le caractère de son talent, M. Delaroche représentait à peu près dans les arts ce que les écrivains du Globe représentaient alors dans la politique et dans les lettres. Comme eux, il appartenait au parti du mouvement, il aspirait à régénérer des doctrines vieillies ; mais, comme eux aussi, il se restreignait dans certaines limites que de plus aventureux avaient déjà franchies, quitte à ne pas trop savoir ensuite où s’arrêter. Non sans autorité sérieuse dans le présent, il semblait surtout promis à l’avenir. Aussi, lorsque la révolution de 1830 eut ruiné du même coup les institutions politiques et ce qui restait des résistances de la vieille école, se trouva-t-il tout naturellement l’un des hommes le plus en vue, et, comme on devait dire dix-huit ans plus tard à propos d’autres hommes et d’une autre révolution, l’une des espérances de la veille. Que l’on ne s’exagère pas toutefois le rôle de M. Delaroche à cette époque et sa part d’action dans des événemens auxquels il se trouva mêlé seulement en tant qu’artiste : j’ignore sur la foi de quelle tradition un écrivain le montrait récemment combattant en juillet derrière les barricades ; mais il en est de ce fait comme du duel de Lesueur et de tant d’autres anecdotes qui se sont glissées dans la biographie des artistes célèbres, rien n’est moins exact à tous égards.

Il semble au surplus que M. Delaroche ait eu ce privilège d’attirer