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l’auteur d’un livre dont on ne peut d’ailleurs contester l’intérêt, pour ne pas avoir attaché un sens précis aux mots race et espèce ; si j’insiste sur ce point, c’est qu’on pourrait adresser le même reproche peut-être à la majorité de ceux qui ont traité la question des races humaines.

Poursuivons notre examen. L’homme primitif, la race humaine primaire, laissa donc en disparaissant trois races secondaires, la noire, la jaune et la blanche. Par le croisement de ces races et de leurs métis se sont formées des races tertiaires, quaternaires, etc. Chacune d’elles apportait d’ailleurs dans ces alliances des élémens physiques, moraux et intellectuels fatalement différens. La race noire présente à un haut degré le cachet de l’animalité : ses facultés pensantes sont médiocres, ou même nulles ; mais ses sens, développés outre mesure, donnent à la sensivité, et par suite au désir, une énergie, une intensité inconnues aux autres races. Par ces motifs, l’auteur voit en elle une race femelle[1]. L’élément mâle est représenté dans l’espèce humaine par la race jaune, que caractérisent, indépendamment de ses traits physiques bien connus, un caractère apathique, l’amour de l’utile et du bien-être matériel. Du reste, pas plus que le noir, le jaune, livré à lui-même, ne peut s’élever au-dessus de l’état sauvage. La race blanche seule possède ce pouvoir. À elle appartiennent exclusivement l’initiative, l’instinct du progrès et la puissance organisatrice, la beauté physique, l’intelligence élevée et l’énergie morale, l’instinct de la liberté et le sentiment de l’honneur.

Dans la pensée systématique que nous voulons combattre, ces caractères sont absolus. En dehors du croisement, rien ne peut les modifier. De là résultent deux conséquences : la première, c’est que jamais une race ne saurait s’améliorer par elle-même, et que par conséquent il appartient à la race blanche seule de relever ses sœurs en leur infusant son sang privilégié ; la seconde, que cette transfusion, en relevant l’élément inférieur, dégrade dans la même proportion l’élément supérieur. D’une race à l’autre, tout se passe comme si l’on mélangeait le dernier des breuvages au vin le plus exquis, et cela avec la même rigueur matérielle, si l’on peut s’exprimer ainsi. Par conséquent, le sang blanc se dilue par des croisemens successifs. À mesure qu’il diminue en quantité, son influence s’affaiblit

  1. M. de Gobineau s’est rencontré ici avec M. Gustave d’Eichthal, qui, par des considérations un peu différentes, est arrivé à la même conclusion ; mais M. d’Eichthal regarde la race blanche comme représentant l’élément mâle de l’humanité, et, à vouloir entrer dans cet ordre de considérations, il me paraît évident que M. de Gobineau aurait dû adopter la même opinion, puisque d’après lui cette race seule est apte à développer les sociétés.