Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

successivement les noms de Gètes, de Scythes, de Sakas, de Sarmates, de Saxnas, de Saxons, dénominations qui toutes désignent une ou plusieurs branches du même tronc. Un des rameaux les plus puissans, celui des Roxolans, vint, après bien des vicissitudes et des changemens de nom, s’établir autour de la Baltique et dans la presqu’île Scandinave (Skanzia, terre des Sakas). Devenus bientôt très nombreux, ils émigrèrent en divers sens, comme autant d’essaims qui quittent une ruche trop pleine.

À partir de ce moment commence l’ère de la régénération. Si les Cimbres et les Teutons résistent si vaillamment aux Romains, c’est que le sang Scandinave s’est mêlé dans leurs veines au sang finnisé des Celtes. Si les tribus de Reims et de Beauvais sont aux yeux de César les premiers des Gaulois, c’est qu’une colonie norvégienne est arrivée jusque-là et a relevé leur sang celtique. La supériorité des Belges, des Suèves, des compagnons d’Arioviste, n’a pas d’autres causes. Enfin, si les soldats de Vercingétorix rivalisent d’énergie avec les populations d’outre-Rhin, c’est toujours, d’après M. de Gobineau, uniquement parce qu’une colonie de métis celtes et Scandinaves s’était implantée de gré ou de force dans le pays des Arvernes peu de temps avant la venue de César.

L’auteur considère comme des Scandinaves purs ou presque purs, au moins dans les chefs qui les menaient au combat, les Goths, les Vandales, les Longobards, les Burgondes, les Franks et surtout les Saxons. Toujours d’ailleurs il mesure l’influence exercée par ces divers peuples d’après le plus ou le moins de sang aryan qui coule dans leurs veines. La même règle lui sert à apprécier les vertus, les aptitudes, les qualités de toute nature des individus. Un chapitre spécial est destiné à montrer combien sous tous ces rapports le Scandinave, l’Aryan-Germain, l’emporte sur le Celte et toutes les autres races occidentales. Je ne discuterai pas un panégyrique qui commence par cette déclaration : « L’homme est l’animal méchant par excellence, » et où l’écrivain, en vertu de ce principe, explique, excuse et glorifie presque la conduite de ces hordes qui semaient autour d’elles le massacre et la dévastation. Je me bornerai à dire qu’ici plus qu’ailleurs on trouve la trace des préventions que j’ai déjà signalées, et la preuve de la fascination qu’exercent sur M. de Gobineau la beauté du corps, des traits et de la chevelure, la force musculaire, l’amour effréné de la bataille, l’esprit d’indépendance poussé jusqu’à l’insociabilité.

Pressé de tous côtés par les masses germaniques, le monde romain avait cédé et s’était laissé pénétrer en tout sens. Alors commença une lutte dont l’auteur de l’Essai esquisse les phases principales en se plaçant toujours au même point de vue ; alors aussi se présente un fait sur lequel il glisse rapidement, qui au contraire me paraît