Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un peu à lui-même ses devoirs de peintre historien, que de fois en revanche ne les a-t-il pas remplis avec une justesse de vue et une pénétration parfaites ! Quel tact, quelle finesse dans la composition de ces trois scènes entre autres, Richelieu traînant à la remorque de son bateau Cinq-Mars et de Thou, Mazarin à son lit de mort, et la Mort du duc de Guise ! C’est en peignant des tableaux de cet ordre, et nous ajouterons de cette dimension, que M. Delaroche prouve avec le plus d’évidence les ressources de son esprit et l’habileté de son pinceau. C’est dans ce genre mixte qu’il excelle, dans ces tragi-comédies pittoresques où le trait de mœurs est de mise à côté de l’image terrible, où la délicatesse de l’observation s’allie à l’énergie du sentiment. Quoi de plus expressif, par exemple, que la figure de Henri de Guise étendue à terre dans l’âpre majesté déjà mort ! et menaçant encore, pour ainsi dire, les assassins qui ont fait le coup et le roi qui les a armés ? En face de cette figure virile, le peintre nous le montre, ce lâche roi, soulevant d’une main tremblante la draperie derrière laquelle il se tenait blotti pendant la lutte, interrogeant d’un regard oblique la pâleur de la victime et s’assurant de loin que tout est bien fini. Ce mélange de cruauté et de terreur presque ridicule qu’expriment l’attitude et le visage de Henri III, l’empressement des meurtriers à se porter au-devant du maître et à faire valoir auprès de lui chacun ses services personnels ; enfin, — qu’on nous passe le mot, — le côté comique de cette scène sanglante est mis en lumière avec autant d’esprit que le côté sinistre ressort avec vigueur. Quant à l’exécution matérielle, elle a une fermeté et une aisance dont les meilleurs tableaux de M. Delaroche, — j’entends ceux qu’il avait faits jusqu’alors, — n’offrent pas un spécimen aussi achevé. Dans Miss Macdonald, la pratique est surtout élégante, la touche pleine de grâce, mais d’une grâce un peu recherchée. Le Richelieu et même le Mazarin, si finement traités au point de vue de la physionomie et du détail, laissent souhaiter peut-être un peu plus de discrétion dans l’effet général, une harmonie moins incessamment brisée par la multiplicité des tons et les mille accidens du modelé. Ce sont assurément de charmans ouvrages, mais il leur manque encore ce qui caractérise la Mort du duc de Guise, — l’accent de la certitude et l’autorité du goût.

Dans la Mort du duc de Guise, rien que de correct sans minutie et d’harmonieux sans faiblesse. Les crayons et les miniatures à l’huile des peintres français du XVIe siècle ne déterminent pas avec une précision plus savante l’expression d’un visage ou la forme d’un ajustement. Les petits maîtres flamands eux-mêmes désavoueraient-ils cette ampleur d’effet ? En tout cas, « quel est celui d’entre eux qui aurait su définir aussi nettement le vrai sens et la portée morale