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de plus de cent, sous la conduite de fra Raimondo, arrivèrent de bon matin à Cortone, prirent d’assaut le prétoire et délivrèrent Giovanni. L’ex-dominicain voulait encore tuer un fonctionnaire qui se trouvait là, mais Piero empêcha cette criminelle extravagance. Les incursions multipliées, les dégâts que ces brigands exerçaient dans les hameaux et dans les fermes voisines tenaient en alarmes Città di Castello et San-Sepolcro. Des mesures énergiques devenaient nécessaires : le gouvernement envoya des troupes et occupa le château du Mont-Sainte-Marie. Alors nos braves se retirèrent dans les états du pape et se mirent sous la protection du droit d’asile dans un couvent de franciscains, d’où ils s’élançaient encore pour piller les alentours. Le gouvernement toscan demanda l’extradition, qu’il ne put obtenir parce qu’un cardinal toscan, jaloux du ministère, protégeait les frères Bourbon de Sainte-Marie. Toutefois il fallut quitter le couvent de Buonriposo ; mais, après une courte retraite à Venise, ils reparurent dans le grand-duché et recommencèrent de plus belle leurs glorieuses expéditions. Un beau jour, on vit Giovanni, Piero et Filippo (un autre frère) escalader le Montamiata, situé au midi et à l’extrémité de la province de Sienne. Là est le bourg de Pian-Castagnaio, fief que les Médicis avaient accordé aux Bourbon del Monte de Florence. Suivis d’une vingtaine de brigands armés jusqu’aux dents, ils se précipitent sur les habitans, qui s’épouvantent et fuient ; ils s’emparent du bourg, mettent tout à bris et à sac, donnent l’assaut au prétoire ; puis, repoussés, ils tuent le fermier des rentes féodales du marquis Andréa et se retirent avec leur butin dans l’état de l’église, à Acquapendente.

On voit quelles étaient trop souvent alors les conséquences de tous ces droits d’asile, privilèges et immunités du brigandage. Le gouvernement toscan ne trouva pas d’autre moyen de se défaire de ces routiers que de mettre leur tête à prix. Un de leurs bandits fut traîtreusement assassiné à Terni, et le prix du sang fut payé. Que firent alors les frères de Sainte-Marie ? Ils ne craignirent pas de recourir à l’empereur grand-duc lui-même en sa qualité de chef de l’empire, non pour se soumettre, mais pour demander des réparations à raison des privilèges de leur famille violés par le ministère. Cette audacieuse réclamation donna lieu à une très longue procédure, qui se prolongea pendant huit ans. Les malheureux, coupables ou non, que les frères de Sainte-Marie accusaient furent arrêtés, et plusieurs d’entre eux moururent en prison avant qu’on eût prononcé la sentence, qui d’ailleurs fut peu sévère pour les survivans.

Tel était l’état social que les grands-ducs de la maison de Médicis avaient fait renaître pour étouffer l’ancienne liberté florentine, et qui se manifestait encore par d’aussi odieux résultats deux siècles