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terrienne solide, il faut le nombre et le recrutement. Mais le point important était celui-ci : toutes les substitutions établies ou à établir étaient limitées à quatre générations, de sorte qu’après le dernier jouissant, le fonds restait libre aux mains de son héritier légitime. Le principe de la perpétuité et de la longue tradition par la transmission privilégiée de la richesse était ainsi ébranlé, contredit, puisque après les quatre générations l’œuvre de la tradition restait interrompue, et cessait au moment même où le temps commençait à la consacrer.

Après avoir affaibli de la sorte et rétréci la base artificielle de la noblesse, le gouvernement essaya de la relever et de l’agrandir sur son principe moral. Sous les Médicis, ni ses richesses, ni ses privilèges ne l’avaient rendue puissante ni populaire. Altière et inerte, corrompue et superbe, elle était devenue une preuve vivante de l’inutilité de ces moyens tant vantés et de la fausseté de ces théories qui font résulter le mérite de la position plutôt que la position du mérite. Le comte de Richecourt, qu’elle n’aimait pas, et le sénateur Ruccellai, conçurent le projet d’une loi destinée à stimuler en elle les sentimens qu’elle devait avoir, et à l’arracher à cette langueur qui en faisait un embarras pour l’administration plutôt qu’un soutien pour l’état et un exemple pour les citoyens. Si le moyen qu’ils imaginèrent était fautif, la pensée en était haute. Ce n’est pas le premier jour qu’une bonne pensée trouve sa forme pratique. Les vérités sont éternelles, mais dans la mobilité des choses humaines elles ont à s’adapter à des faits toujours changeans ; elles cherchent un corps où se loger, et ce corps éphémère se dissout ; elles cherchent des institutions à vivifier, et ces institutions tombent ; elles passent de forme en forme et n’en trouvent jamais une qui les reçoive tout entières et leur offre une demeure fixe. L’idée d’une classe dépositaire et propagatrice des meilleurs sentimens de l’humanité a brillé à l’imagination des plus beaux et des plus purs génies ; elle possédait Fénelon, dont les vues semblaient partout répandues au temps dont nous parlons ici. L’esprit de la nouvelle loi toscane est assez clairement révélé, dit M. Zobi, dans ces mots de l’article 25 : « Comme celui-là ne mérite pas de compter parmi les nobles qui fait des actions ou observe des façons de vivre peu conformes à sa dignité, nous voulons que le patriciat et la noblesse se perdent par les délits et par l’exercice de professions viles et indignes, de manière que si quelqu’un se trouve placé présentement dans une situation si préjudiciable, ou dans de pareilles professions, il ne peut, ni lui, ni ses fils, être inscrit sur les nouveaux registres, et de même à l’avenir les inscrits seront, pour les mêmes causes, déchus des prérogatives de la noblesse, selon la teneur de notre présente déclaration. » On ouvrait donc une espèce de livre d’or de la noblesse toscane ; y mettre son nom, c’était souscrire