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définies, ou laissées volontairement dans un vague éternel ; partout aussi on mettait une limite aux propriétés toujours croissantes du clergé, et même on commençait à en discuter le principe. En France, on lui disputait son immunité, on voulait le soumettre à l’impôt du vingtième, on lui interdisait les nouvelles acquisitions, et à ce propos on écrivait des livres, on interrogeait le droit naturel, le droit public, l’histoire : discussion de sinistre augure ! C’était en 1749 et quarante ans plus tard la conclusion en fut tirée, Gênes en 1762, et successivement le duc de Modène, la petite république de Lucques, le duc de Parme, l’électeur de Bavière, Marie-Thérèse d’Autriche pour le Milanais, le roi de Portugal, établissaient ou renouvelaient la même interdiction. Tandis que le clergé, se prétendant simple dépositaire au nom de l’église, qui reçoit toujours et n’abandonne jamais, défendait comme choses sacrées tous ses droits, toutes ses exemptions, ses juridictions, ses propriétés, d’autre part, dans la chaleur du combat, le pouvoir civil le menaçait jusque dans son organisation intérieure. Ce lourd traité de Febronius, que Joseph II faisait enseigner dans ses écoles, était devenu comme l’arsenal d’une insurrection théologique contre Rome ; il s’agissait déjà de rompre le lien qui rattache les églises nationales à leur centre. Joseph en Autriche, Léopold en Toscane, pénétraient jusque dans la sacristie, réglaient les cérémonies de la messe et corrigeaient le rituel, et déjà ces réformes, tournant au puéril et au ridicule, avaient provoqué des insurrections populaires et fait verser du sang, quand la révolution de France, prenant les choses de plus haut et dans un plus large embrassement, vint réconcilier les deux puissances adverses en les écrasant l’une contre l’autre. Ce fut seulement sur cette ruine que la lumière se fit, et malgré quelques nuages inévitables dans une atmosphère si vague et si mobile, l’organisation française des choses ecclésiastiques apparaît seule aujourd’hui comme un système approprié aux circonstances : tant les solutions simples sont difficiles à trouver, et tant il est vrai que la sagesse humaine, cherchant ; en vain à trier ses traditions et ne sachant ce qu’il en faut perdre ni ce qu’il faut en garder, n’y voit clair trop souvent qu’à la lueur de l’incendie qui les consume !

C’était pourtant un bel exemple qu’avaient donné aux gouvernemens contemporains ces princes de Lorraine transportés en Toscane. S’ils commirent des fautes, si François, trop occupé en Autriche, voyait les choses de trop loin et semblait manquer de résolution, si Léopold, les regardant de trop près, se laissait éblouir par des minuties et n’apercevait plus la limite qu’il faut garder, si enfin on peut supposer que, dans leurs entreprises sur la noblesse et sur le clergé, ils songeaient surtout à fortifier leur pouvoir et à concentrer dans leurs mains toute autorité politique et administrative, on ne