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Et cela a d’autant plus d’importance que tous les actes de concession stipulent en faveur de l’état la faculté de rachat des chemins de fer, et que le prix de ce rachat doit être calculé sur le montant du produit net, c’est-à-dire du dividende, de telle sorte que l’impôt sur le dividende viendrait exonérer l’état d’une partie du montant du prix de rachat dont lui-même a déterminé la base.

Enfin on peut se demander pourquoi le prêteur de l’état, qui a mis ses capitaux en travaux, pour lesquels même il a eu des chances à courir, aurait à supporter une retenue dont serait affranchi le prêteur qui a placé ses capitaux en rentes inscrites au grand livre de la dette publique. Évidemment il y aurait dans tout cela quelque chose de contraire à la loyauté que l’état (qui doit être le plus honnête homme de France, comme disait le baron Louis) est tenu de mettre dans toutes ses transactions. L’état ne peut donc pas établir un impôt sur le dividende des compagnies qu’il a organisées par des actes de concession, sans porter atteinte à ces actes mêmes.

Ici l’on rencontre une objection qui se présente au nom d’un principe exact, nous le reconnaissons, mais dont on fait une fausse application : « L’état, dit-on, n’abdique jamais son droit de souveraineté ; l’établissement d’un impôt est un acte de souveraineté qui ne peut être subordonné même au contrat que lui-même a passé. » Oui, sans doute, cela est vrai, mais à une condition : c’est que l’acte de souveraineté soit général.

Ainsi qu’un nouveau système d’impôt remplace celui que nous devons à la sagesse de nos pères, que l’impôt sur le revenu, que pour notre part nous repoussons, soit établi en France, l’impôt frappant alors tous les revenus, quelles qu’en soient les sources, il est évident que les revenus provenant des diverses concessions consenties par l’état seront et devront être atteints comme tous les autres revenus, comme les revenus de la rente inscrite sur le grand livre de la dette publique[1]. L’acte de souveraineté, dans ce cas, s’étend à tout et à tous ; il frappe également dans sa généralité toutes les valeurs, et n’en rompt pas l’équilibre ; enfin il n’a pas pour but, ou au moins pour conséquence spéciale, d’atteindre ce qui a fait précisément l’objet de contrats passés entre l’état et des particuliers.

Mais au lieu d’un impôt général sur tous les revenus, si l’on venait, comme il s’est trouvé aussi des voix dans les chambres, pour le réclamer, établir uniquement un impôt sur la rente, n’est-il pas manifeste que l’acte, n’atteignant, plus qu’une espèce de revenus, qu’une espèce de valeurs qui précisément a fait l’objet d’une convention,

  1. En Angleterre, l’impôt sur le revenu frappe tous les revenus sans exception, la vente comme les valeurs industrielles, les produits d’une profession libérale comme ceux de la terre.