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à Tolède, cerné dans ses états par Louis XIV, qui finit par le déposséder, et toujours occupé de ses plaisirs, se perdant dans les intrigues d’amour, signant une fois par mois des promesses de mariage tantôt à la fille d’un apothicaire, tantôt à la fille de quelque grande maison lorraine ! Charles IV perd son duché par l’esprit d’aventure ; son successeur Charles V prépare l’avènement de sa famille au trône des Habsbourg par la fermeté de son caractère, par ses mœurs sévères et simples, par les talens militaires qu’il montre dans les campagnes contre les Turcs, sous les murs de Vienne, à côté de Sobieski. Pénétrant politique autant que vigoureux soldat, le duc Charles V a laissé un testament qui n’est point précisément un code de morale, et qui est resté après tout la règle de conduite de la maison de Habsbourg-Lorraine, principalement en Italie. La politique professée au nom de l’Autriche par le duc Charles était bien simple : elle consistait à se glisser en Italie et à y rester, à renfermer Venise dans ses lagunes, à réduire les chefs des autres états, y compris le pape, au rôle de gouverneurs, et à dominer partout. Nous voilà tout à fait sur le chemin qui conduit à notre temps.

L’aspect des choses a-t-il donc tellement changé au-delà des Alpes ? Des questions de gouvernement intérieur sont nées, il est vrai ; les passions révolutionnaires sont venues compliquer la situation de la péninsule. Diplomatiquement, les mêmes questions subsistent, les mêmes rivalités sont en jeu. Au point de vue national surtout, il reste toujours ce fait, que les circonstances ont étendu et aggravé : la domination étrangère, que l’Autriche ne peut s’appliquer qu’à adoucir. Le jeune empereur François-Joseph, en se rendant récemment dans la Lombardie, où il est encore et où il s’est trouvé un moment entouré des principaux membres de son cabinet, M. de Buol, M. de Bruck, M. de Bach, l’empereur François-Joseph, disons-nous, a voulu évidemment donner à son voyage un grand caractère politique. Il ne s’est pas borné à lever les séquestres qui pesaient sur les biens des émigrés, à dissoudre la cour exceptionnelle qui siégeait à Mantoue, à promulguer les plus larges amnisties. Selon tous les témoignages, il s’enquiert de l’état réel des populations, de leurs besoins et de leurs intérêts. Le gouvernement autrichien, aurait eu à délibérer sur des projets importans, qui touchent à, l’administration de la Lombardie. L’archiduc Ferdinand-Maximilien serait à la veille d’être nommé vicaire impérial en Italie avec des pouvoirs très étendus, il tiendrait une cour à Milan ; en un mot, les possessions autrichiennes au-delà des Alpes recevraient une organisation distincte, où une part plus grande serait faite à l’élément civil, peut-être à l’élément national. L’empereur d’Autriche, en agissant ainsi, suit assurément la meilleure des politiques, et l’accueil qu’il reçoit des populations lombardes ne peut que s’en ressentir heureusement. Malgré tout cependant, un peu plus d’esprit de conciliation de la part du gouvernement autrichien ne change pas la nature des choses. Que la plus futile querelle s’élève, aussitôt les animosités se réveillent. C’est ce qui est arrivé récemment à Mantoue. À la suite d’une altercation pour une chanteuse, un malheureux a été accablé par des officiers autrichiens qui ont fait usage de leurs armes. De là une émotion qui s’est rapidement propagée, et dont l’expression est arrivée jusqu’à l’empereur lui-même. Bien d’autres faits attesteraient au besoin cette promptitude de l’instinct national, et mettraient à nu cet antagonisme permanent