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ces hommes si timides et si froids, il faut sans contredit les étudier inter pocula ou un jour de sport. C’est surtout alors que brillent les nobles qualités de la race anglo-saxonne, sa mâle énergie et sa loyale franchise. Les meetings du Tent’s club ont lieu de la fin de décembre à la mi-avril. Son établissement se compose d’une mess-tent (tente publique où les repas sont servis) et, d’une douzaine d’éléphans. Malgré toute ma répugnance à mettre indiscrètement en scène des compagnons de plaisirs ou de dangers, qu’il me soit permis de citer ici les noms pittoresques de quelques-unes de ces nobles bêtes, véritables amis de l’homme : la Belle-Lune, la Pomme-Grenade, l’Etoile-du-Matin, le Fils-du-Soleil et enfin le Rosier-Fleuri, du haut duquel j’eus, pour la première fois de ma vie, l’honneur de faire face à un tigre.

Après avoir passé la nuit sous une tente qu’il a eu soin d’envoyer à l’avance dès l’aurore, le chasseur est debout. La tasse de café, le cigare, une visite aux chevaux, les soins de la toilette et du déjeuner, et le moment du départ est arrivé. Le coup d’œil que présente alors le camp est plein d’originalité, non pas que l’uniforme des sportsmen du Tent’s club, chemise de flanelle, culotte de peau ou de velours, bottes à revers, chapeau solah, soit des plus élégans ; mais il y a là, en guise de meute, une douzaine d’éléphans avec leurs mahouts ; trente chevaux, montés ou conduits à la main, piaffent et hennissent ; chaque cavalier est suivi d’écuyers et de varlets qui, comme au bon vieux temps, et mieux qu’au bon vieux temps, portent ses lances de rechange et sa gourde pleine de thé, de grog ou de Champagne, qu’une enveloppe de flanelle mouillée maintient à une température équitable.

Le théâtre du sport est généralement peu distant des tentes. Les éléphans rangés en bataille dans la jungle s’avancent lentement en frappant le sol de leur trompe, tandis qu’à la lisière les cavaliers, la lance au poing, attendent le débuché du cochon sauvage. Pressé par la ligne des batteurs, effrayé de leurs cris retentissans, après mille ruses, l’animal se décide à quitter son asile de hautes herbes et de palmiers nains. Le voilà parti, qui roule dans la plaine comme une énorme boule noire ; les cavaliers, le fer en avant, le pressent de toute la vitesse de leurs chevaux, et bientôt le sort de l’infortuné quadrupède est décidé : il est mort de la mort des braves, son flanc ouvert saigne par vingt ouvertures. Honneur à qui a porté le premier coup, à qui a gagné le first spear ! La course en terrain découvert ne se prolonge guère plus de dix minutes ; mais comme le terrain est généralement fort mauvais, il n’est pas rare qu’elle soit illustrée de catastrophes équestres. Ce ne sont pas là au reste les seuls dangers qui dans ce noble sport mettent à l’épreuve les nerfs