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passé de Calcutta, passé qui date d’hier et dont les souvenirs disparaissent avec une effrayante rapidité. Calcutta n’est point la première capitale qu’ait eue le Bengale ; Gaur, Rajmabal, Dacca, Nuddeah, Moosherabad, ont successivement tenu le premier rang parmi les cités de la vallée du Gange, et il n’est pas impossible que les caprices du fleuve forcent un jour à transporter en dehors des murs de Calcutta le siège de la métropole commerciale de l’Inde anglaise. Il y a cent ans à peine, l’emplacement où s’élève aujourd’hui la cité des palais était couvert d’une jungle épaisse habitée seulement par des tigres et des buffles sauvages. Ce fut vers le milieu du dernier siècle que John Charnock, directeur à cette époque des comptoirs de la compagnie, transporta le siège de l’établissement anglais d’Ulibarria à Calcutta, qui dut son nom, soit à l’ancienne pagode, dédiée dans le voisinage de la ville actuelle à la déesse Kali, et connue sous le nom de Khali-Ghaut, soit au fossé limite de l’établissement européen, connu en langage natif sous le nom de Kalh-Kitta. Les factoreries européennes du Bengale, danoises, françaises, hollandaises, s’élevaient sur la rive droite du fleuve ; mais la profondeur de l’eau, plus grande sur la rive gauche que sur la rive droite, décida sans doute le choix de l’emplacement du nouvel établissement européen. La position offrait de plus ce grand avantage de n’être point exposée aux dévastations des hordes mahrattes, qui, dans leurs expéditions, ne traversaient jamais la rivière. Les monumens du premier âge de Calcutta ont presque entièrement disparu. Les bâtimens de la douane s’élèvent sur l’emplacement du vieux fort, et le marquis de Hastings, pour ne pas laisser subsister le témoignage écrit du jour de la plus grande humiliation que la puissance anglaise ait subie dans l’Inde, a fait disparaître une colonne élevée aux victimes de la catastrophe du Black-Hole par les survivans de cette nuit terrible. Le fort William, construit sur la rivière en aval de la ville, fut commencé en 1757, après la bataille du Plassey, et bâti sur les plans d’un ingénieur français nommé Boyer, dans d’assez vastes proportions pour pouvoir contenir en cas d’attaque toute la population européenne. L’habitation du gouverneur-général se trouvait à l’intérieur du fort, et ce fut seulement en 1799, sous l’administration du marquis de Wellesley, que fut commencé le palais actuel du gouvernement. Si les bâtimens les plus anciens de Calcutta datent à peine d’un siècle, les quartiers et rues de la ville semblent avoir été nommés aux meilleurs temps de la tour de Babel. L’hindostani, le bengali, le portugais, l’anglais, se coudoient dans ce vocabulaire étrange. Ainsi Alipore, Chowringkee, Cossittolah, Mourgiattah, Hare-Street ! désignations dont les antiquaires futurs auront grand’peine à retrouver les étymologies.