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Société étrange cependant, race brutale et généreuse, prompte au bien et au mal, prête à tous les sacrifices et à tous les excès, que celle de ces vieux nababs dont les caractères excentriques semblent empruntés au roman ou à l’histoire des boucaniers : non pas que, laudator temporis acti, je veuille jeter la pierre à la génération du jour et à ses sages plaisirs, les thés religieux, les distributions de bibles polyglottes et les bazars philanthropiques, en exaltant outre mesure les rudes compagnons dont les exploits ont presque donné un monde à une patrie ingrate et oublieuse ; mais il y a dans cette société des premiers jours de l’Inde des épisodes dramatiques, des instincts généreux qui fourniraient sans contredit un intéressant sujet de récit à une plume habile. Dans le gouvernement, les rivalités, les haines personnelles compromettent le salut de l’empire, et ses plus hauts dignitaires n’hésitent pas à avoir recoure entre eux à l’argument de l’épée et du pistolet ; dans la vie privée, des excès constans de table et de jeu short and merry ; est la devise que chacun met en pratique. Tout Européen vit entouré, comme un véritable patriarche, d’une douzaine de noires beautés. Voici l’éditeur d’un journal plein de scandales qui raconte froidement la tentative d’assassinat qui a eu lieu contre lui la veille, et si vous regardez à la première page, vous y trouverez la très singulière annonce que voici : « Vente à l’amiable de deux jeunes garçons caffres appartenant à un abbé portugais et jouant parfaitement du cor de chasse. » Enfin, pour terminer par un trait saillant ce croquis hâtif des jours passés, un des amis du gouverneur Vansittart l’institue par testament héritier de ses dettes, et ce dernier accepte et fait honneur à ce legs, au moins singulier.

C’est à cette période d’agitation qu’il faut remonter pour arriver à l’origine de la presse anglo-indienne : la première feuille anglaise, Hickey’s Gazette, du nom de son fondateur, parut dans l’Inde en 1780 ; mais la presse anglo-indienne n’acquit une importance relative qu’au jour de son émancipation par lord Metcalf, en 1838. Cette mesure, devant laquelle le gouvernement de l’Inde recula avec terreur pendant plus de cinquante ans, et que lord Metcalf prit sans instructions précises, peut-être malgré des instructions précises, est loin cependant d’avoir amené à sa suite tous les désastres dont même de bons esprits ne manquaient pas de prédire qu’elle serait accompagnée. La presse anglaise compte des organes dans toutes les grandes villes de l’Inde, et l’on peut citer, parmi ses publications quotidiennes et périodiques les plus importantes, le Bengal Hurkuru, l’English-man, le Friend of India, la Revue de Calcutta, le Madras Advertiser, le Bombay Times, le Dehli Gazette, le Dehli Sketch, sorte de Punch indien dont les dessins sont souvent pleins de sel et de malice. La presse anglo-indienne s’adresse exclusivement à la communauté européenne,