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des plus intéressans. Il ne faut pas non plus passer sous silence les diverses maisons d’éducation qui dépendent de la mission catholique des provinces nord-ouest. Depuis longues années, les missionnaires français et italiens ont labouré le champ ingrat de l’Inde centrale, et durs et périlleux furent leurs premiers labeurs, exposés comme ils l’étaient à la cruauté de princes fanatiques, à l’inclémence du climat, aux attaques mêmes des bêtes fauves, hôtes de la jungle. Un bon petit père capucin de la mission d’Agra m’a conté à ce sujet deux anecdotes que je veux livrer au lecteur dans toute leur naïveté. Un des premiers fondateurs de la mission cheminait un soir vers sa cabane, lorsqu’il se trouva tout à coup en présence d’un tigre du plus menaçant aspect. Dépourvu de tout moyen de défense, le vaillant père prit résolument son parti, coiffa le capuchon de sa robe, et s’élança sur le tigre, qui, effrayé, s’éloigna au grand galop, comme s’il eût eu non pas un capucin, mais le diable à ses trousses. Une autre fois le même apôtre, pour échapper aux poursuites d’un autre tigre, fut obligé de se réfugier sur un arbre ; mais l’animal affamé, ou curieux de tâter du capucin, s’établit en sentinelle au pied de l’arbre. Longue et pleine d’anxiétés fut l’attente du pauvre père lorsqu’enfin, sous l’inspiration de son patron, il eut l’idée de mettre le feu à sa robe de bure et de la lancer, ainsi métamorphosée en tunique de dessus, au tigre, qui s’éloigna incontinent, si bien que le moine put regagner son domicile dans un costume défectueux sans doute, mais tous les membres intacts du moins.

Ces anecdotes, passées à l’état de tradition historique dans l’évêché d’Agra, et qui après tout n’ont rien de trop invraisemblable, donnent une idée des dangers de toutes sortes que rencontrèrent les premiers missionnaires dans ces pays barbares. Les choses ont changé depuis, et quoique le gouvernement de la compagnie ne témoigne pas d’une bien grande sollicitude pour les laborieux ouvriers de la foi catholique, il n’oppose du moins aucun obstacle à leurs pieux travaux. La mission d’Agra, outre une fort belle église, possède plusieurs maisons d’éducation pour les enfans des deux sexes. L’établissement des filles, dirigé par des dames françaises de l’ordre de Jésus et Marie, ne le cède en rien, pour la régularité et la bonne tenue, aux couvens les mieux organisés de l’Europe. Il se divise en trois catégories distinctes : la première, destinée aux enfans riches ; la seconde, aux orphelines catholiques des soldats de l’armée de l’Inde ; la troisième, aux enfans indiens catholiques. Malheureusement les dépositaires du pouvoir de l’honorable compagnie, sous l’influence de préjugés encore bien puissans en Angleterre, n’accordent qu’un insuffisant patronage aux efforts vraiment